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Editorial
Gaza : Un peuple qu'on assassine
Il y a de quoi être indigné, révolté, par ce qui se passe à Gaza. Une des armées les plus modernes du monde, supérieurement équipée, après avoir bombardé ce petit territoire où s'entassent plus d'un million de Palestiniens, envoie aujourd'hui ses chars d'assaut pour compléter une intervention visant à terroriser toute une population.
Oser affirmer, comme le font les dirigeants d'Israël, que ce n'est pas le peuple palestinien qui est visé, mais le seul Hamas, parti islamiste qui dirige ce territoire, est une cynique hypocrisie. Gaza est une des zones de la planète où la densité de population est la plus grande, et tous ceux qui reçoivent des bombes ne sont pas des militants du Hamas.
La semaine de bombardements qui a précédé l'intervention terrestre a fait plus de 400 morts, dont une grande partie de civils, des femmes, des hommes, des enfants. Combien d'autres mourront pendant l'intervention terrestre, sous les balles mais aussi faute de soins ? Car le territoire est pour le moment clos, pour que l'armée israélienne puisse tranquillement perpétrer ses crimes à l'abri des regards.
" C'est le Hamas qui a rompu la trêve en envoyant des roquettes sur le sud d'Israël ", prétendent les dirigeants israéliens. Comme s'il y avait une commune mesure entre ces quelques dizaines de roquettes, qui ont fait surtout des dégâts matériels et un mort avant l'offensive israélienne terrestre, et le bombardement massif d'un territoire surpeuplé !
Et puis la trêve signée impliquait, parallèlement à l'arrêt des actions armées, la levée par Israël du blocus complet du territoire de Gaza. Israël n'a jamais levé le blocus. Or, pour tous ses approvisionnements, en vivres, en médicaments, en tout, Gaza dépend de l'extérieur. Maintenir le blocus est une autre façon de décimer un peuple que par les bombes ou les balles.
Que signifie de toute façon la trêve ? Cela fait soixante ans qu'Israël dépossède sans trêve le peuple palestinien de son pays, de ses droits et libertés élémentaires. Le Hamas est certainement une organisation réactionnaire qui exerce une dictature sur son propre peuple en éliminant les autres mouvements palestiniens. Mais le peuple palestinien n'a jamais cessé d'être opprimé pendant ces soixante ans, c'est-à-dire bien avant que le Hamas existe et se développe.
Il faut rappeler que le Hamas a pris son essor il y a quelques années avec l'aide de l'État d'Israël lui-même, qui comptait susciter ainsi un rival à l'OLP d'Arafat qui, à l'époque, dirigeait le mouvement nationaliste palestinien.
Rien ne justifie la guerre de l'État d'Israël contre le peuple palestinien. C'est une guerre injuste parce qu'elle est destinée à perpétuer l'oppression du peuple palestinien, oppression politique mais aussi économique et sociale.
Perpétuer cette oppression est préjudiciable au peuple d'Israël lui-même. Un peuple qui en opprime un autre ne peut pas être libre. Les gardiens d'une prison ont, certes, une situation plus enviable que celle des prisonniers, mais ils partagent quand même en partie la même vie entre quatre murs.
Au lieu de chercher à gagner l'amitié des peuples arabes voisins afin d'assurer la coexistence fraternelle des peuples palestinien et israélien, les dirigeants d'Israël ont choisi de bâtir leur État sur la négation du droit des Palestiniens à disposer du leur. Pour assurer la sécurité de leur État, les dirigeants d'Israël, toutes tendances politiques confondues, ont choisi de devenir les gardiens de l'ordre pour le compte des grandes puissances, les États-Unis mais aussi la France. L'impérialisme entend contrôler le Moyen-Orient aussi bien pour des raisons de stratégie militaire qu'en raison de sa richesse en pétrole.
L'État d'Israël y a gagné le soutien des États-Unis, un soutien diplomatique et financier, et des armes ultra-modernes. Mais tout ce qui se passe depuis soixante ans montre que c'est une voie sans issue. L'État d'Israël maintient ainsi sa domination sur le peuple palestinien, mais le peuple israélien lui-même ne parvient pas à sortir de l'état de guerre.
Les travailleurs d'ici doivent être solidaires du peuple palestinien et exiger la fin de l'intervention israélienne contre Gaza. Mais ils ne doivent jamais oublier la responsabilité des grandes puissances, dont la France, dans le jeu politique qui consiste à dresser les peuples les uns contre les autres pour mieux les dominer.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 5 janvier