Pendant que l'économie s'effondre, la spéculation continue22/10/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/10/une2099.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Pendant que l'économie s'effondre, la spéculation continue

Avec la perte de 600 millions d'euros par les Caisses d'épargne, on sait au moins pourquoi, malgré les sommes extravagantes données par tous les États aux banquiers, la crise financière comme le krach boursier continuent ! Cette somme a été perdue dans une opération spéculative, le 6 octobre dernier. Près d'un mois donc après le début de la phase aigüe de la crise financière qui secoue le système bancaire.

Ainsi donc, pendant que le président de la République comme ses semblables d'un peu partout font des discours sur la « moralisation » du système financier, tout en arrosant les banquiers en difficulté, la spéculation continue.

Les Caisses d'épargne, où une famille sur deux dans ce pays détient un compte bancaire ou un livret A, passent pourtant pour un établissement géré en « bon père de famille », un symbole de sécurité. Pour que même cet établissement continue à spéculer sur des produits financiers risqués en pleine crise, qu'est-ce que cela doit être pour les autres ?

Le PDG des Caisses d'épargne a été écarté, mais l'établissement fait partie des six banques françaises qui se partagent les 10 milliards d'euros offerts par le gouvernement pour les ajouter à leurs capitaux propres. Offerts, c'est le mot car les banques qui ont bénéficié de ce gros cadeau n'avaient même pas à le demander, histoire de ne pas semer des doutes sur leur situation.

Les centaines de milliards déversés par les États sur les banques, au lieu d'éteindre l'incendie, alimentent le feu. Pourquoi les banquiers cesseraient-ils de spéculer puisque, s'ils perdent, l'État leur apporte sa garantie et que, s'ils gagnent, ce sont eux qui empochent ?

Et pendant que la spéculation financière continue, l'économie productive est étouffée par le manque de crédits et surtout par la diminution du pouvoir d'achat des classes populaires.

À l'annonce des sommes que les États européens et américain ont décidé d'injecter dans le système financier, les Bourses se sont envolées. Pas pour longtemps. Les « investisseurs », c'est-à-dire la classe capitaliste, ont salué le cadeau que les gouvernements leur ont fait avec l'argent public. Mais l'enthousiasme n'a duré que deux jours, le temps que ceux qui ont spéculé au bon moment à la hausse encaissent leurs bénéfices. Puis, de nouveau, le cours des actions en Bourse s'est remis à chuter. Et depuis, il fait du yoyo sans parvenir à se stabiliser.

La Bourse, c'est une sorte de thermomètre de l'économie capitaliste. La chute des actions en Bourse signifie que ceux qui ont des capitaux à placer n'ont pas envie de les placer dans les entreprises, même pas sous forme d'actions. Ils ne croient pas qu'avec la récession, elles rapporteront ces 10 ou 15 % de bénéfice auxquels ils étaient habitués.

Derrière la crise financière, s'aggrave la crise tout court, celle de l'économie productive. S'attendant à une aggravation de la récession, à une réduction de la demande, les entreprises réduisent leurs productions, mettent à la porte une partie de leurs travailleurs. Présidents et ministres promettent une refonte du système financier international. Ils trouveront des subterfuges. Ils mettront davantage l'État à contribution. Mais qu'est-ce que tout cela changera puisque le moteur fondamental de l'économie restera la recherche du profit privé ?

Les années qui ont précédé la crise ont été fastes pour les capitalistes. En exploitant toujours plus les travailleurs, en bloquant les salaires, en aggravant le rythme de travail, en faisant faire plus de travail par moins de travailleurs, ils ont augmenté la masse des profits. Leurs laquais de la politique et des médias répétaient que plus les profits sont élevés, mieux c'est pour l'économie !

Mais en quoi les profits ont-ils été utiles aux travailleurs qui les ont sués ? En rien ! À la société dans son ensemble ? En rien, non plus ! Au lieu d'améliorer les services publics, on les a laissés se dégrader. Au lieu d'augmenter les dépenses sociales, on les a diminuées. En fait, cette accumulation de profits est pire qu'inutile pour la société : elle est nuisible.

Moraliser l'économie, ce serait la mettre au service de la collectivité humaine. Cela signifie orienter la production pour satisfaire les besoins de tous, pas pour l'enrichissement de quelques-uns. Mais pour cela, il faudra transformer le système économique de fond en comble. Il faut arracher aux groupes privés la propriété des banques et des entreprises. Cela ne se fera pas avec ceux qui gouvernent et sont des serviteurs des patrons et des banquiers. Cela finira par se faire contre eux.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 20 octobre

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