D'un 14 juillet à un autre : Les empêcheurs de défiler en rond de 195817/07/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/07/une2085.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

D'un 14 juillet à un autre : Les empêcheurs de défiler en rond de 1958

Cette année, pour le défilé du 14 juillet, Sarkozy a mis le paquet : plus de quarante chefs d'État et autres têtes couronnées, le patron de l'ONU, un succès de Tino Rossi entonné par la fanfare, le héros de Bienvenue chez les Ch'tis pour déclamer le préambule à la Déclaration des droits de l'homme, des parachutistes atterrissant au pied de la tribune officielle... Tous les ingrédients étaient réunis pour faire de ce défilé non seulement le grand show patriotique annuel de l'unité nationale si cher à la bourgeoisie, mais aussi la grande parade à la gloire d'un Sarkozy, actuel président de l'Europe et metteur en scène de l'« Union pour la Méditerranée ».

D'un 14 juillet à l'autre, les shows médiatiques se succèdent dans le même esprit. Mais il y a quelquefois des « couacs ». Ce fut le cas, il y a cinquante ans, en 1958.

Cette année-là, depuis quatre ans, la sale guerre faisait rage en Algérie. On ne parlait pas de guerre, on disait « les événements d'Algérie », mais c'était vraiment la guerre avec son cortège d'atrocités. L'armée française torturait, tuait, violait, pour combattre la volonté du peuple algérien de se débarrasser des colonisateurs. René Coty était alors président de la République et de Gaulle président du Conseil. Après douze ans d'attente, celui-ci venait d'être ramené au pouvoir, après le coup de force perpétré en Algérie par l'armée et l'extrême droite.

De Gaulle ne s'était pas encore engagé dans la politique qui, de « la paix des braves » de novembre 1958 à « l'autodétermination » de septembre 1959 allait conduire, en 1962, à l'indépendance de l'Algérie.

La politique officielle, en cet été 1958, c'était « l'intégration », l'affirmation que « de Dunkerque à Tamanrasset », il n'y avait plus que « des Français à part entière ». Le 14 juillet tombait à point nommé pour célébrer la prétendue unanimité entre l'armée et le peuple algérien.

Dans le défilé, il y avait les corps de répression qu'étaient les parachutistes et la Légion et, pour illustrer « l'Union de la Métropole et de l'Algérie », on avait fait venir des tirailleurs algériens, des milliers d'anciens combattants « indigènes » avec leurs drapeaux et couverts de médailles, ainsi que deux mille adolescents enrôlés en Algérie par l'administration coloniale pour représenter « l'oeuvre positive de la colonisation ».

Mais, parmi ces jeunes, certains s'étaient organisés et avaient décidé d'afficher publiquement leur opposition. Arrivés devant la tribune officielle, quelques uns d'entre eux réussirent à sortir les drapeaux algériens qu'ils avaient préparés et dissimulés et à scander « À bas l'Algérie française » ! Les drapeaux furent vite confisqués, les manifestants ceinturés, évacués et emprisonnés. Mais ces jeunes avaient tout de même réussi à s'opposer au grand cirque de « l'unité nationale ».

Cinquante ans plus tard, c'est un fait oublié, totalement passé sous silence. Et on chercherait en vain dans le film sur le 14 juillet 1958 qu'on peut voir sur les archives de l'INA (Institut national de l'audiovisuel) ces images-là...

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