- Accueil
- Lutte ouvrière n°2076
- Liban : Guerre civile et partition de fait
Dans le monde
Liban : Guerre civile et partition de fait
Après une semaine de combats, le retour à un calme relatif au Liban se solde par un succès pour le Hezbollah, le " parti de dieu " de Hassan Nasrallah.
Le gouvernement de Fouad Siniora avait tenté de reprendre l'initiative contre lui en annonçant, le 7 mai, la mise hors-la-loi du système de télécommunications du Hezbollah et le limogeage du responsable de la sécurité de l'aéroport de Beyrouth, réputé proche du parti. En réponse, sa milice a pris l'offensive, bloquant l'aéroport et occupant finalement tout l'ouest de la capitale libanaise. Le 11 mai, le chef du gouvernement a dû reculer, déclarant qu'il confiait à l'armée le soin de juger de l'application ou non de ses deux décisions. L'armée ayant décidé de ne pas les appliquer, les milices du Hezbollah se sont retirées de Beyrouth-Ouest et en ont confié le contrôle à l'armée.
Depuis des mois, et en particulier depuis la guerre menée à l'été 2006 par Israël contre le Hezbollah, la situation est bloquée. Sorti renforcé par l'échec de l'offensive israélienne, le parti de Hassan Nasrallah réclame une plus grande place dans le gouvernement du pays. Les responsables du " courant du futur " de Saad Hariri et du Premier ministre Siniora, soutenus par les États-Unis, la France, les puissances occidentales et les régimes arabes pro-occidentaux, eux, s'accrochent au pouvoir, accusant Nasrallah de n'être qu'un pion dans les mains des régimes iranien et syrien. Depuis des mois, en l'absence de compromis, l'élection du président de la République est repoussée, et une partition de fait s'installe entre les zones contrôlées par les différentes milices.
La tentative du gouvernement Siniora de marquer des points contre le Hezbollah, sous la pression de ses alliés occidentaux, se solde par un échec. Cela accentue le rôle d'arbitre d'une armée qui, de peur d'éclater entre ses différentes composantes religieuses, doit ménager le Hezbollah et désavouer au moins partiellement le gouvernement en place. Celui-ci en sort affaibli, avec en même temps la démonstration que ses puissants alliés extérieurs ne sont guère en état de le soutenir. Israël, en crise, peut difficilement reprendre actuellement l'offensive contre le Hezbollah. Les États-Unis, s'ils ont affiché leur présence en faisant croiser un porte-avions au large des côtes libanaises et s'ils continuent périodiquement de menacer la Syrie et l'Iran, sont suffisamment englués en Irak et en Afghanistan pour hésiter à ouvrir encore un autre front par une intervention au Liban.
La population libanaise n'a aucun intérêt au rôle d'allié privilégié de l'occident impérialiste auquel les dirigeants du Courant du Futur voudraient enchaîner le pays. C'est ce choix pro-occidental, déjà conçu par le colonialisme français au temps de son mandat sur le Liban, appuyé sur la division en communautés religieuses elle-même institutionnalisée par le système politique confessionnel, qui a conduit à la guerre civile de 1975-1990, alimentée aussi par les interventions extérieures. L'entêtement des dirigeants des communautés chrétiennes, puis musulmane sunnite et druze, à confirmer ce choix, a entraîné en retour le renforcement du Hezbollah, parti intégriste islamiste, au sein de la communauté musulmane chiite, tout à fait de la même façon que la politique d'Israël a abouti à renforcer le Hamas à Gaza.
Tout cela met le pays, depuis des mois, au bord d'une nouvelle guerre civile. Malheureusement, ce sont les différentes fractions de la population libanaise qui payent tour à tour les choix de leurs dirigeants. Lors de son offensive sur Beyrouth-Ouest, la milice du Hezbollah s'en est prise à la population musulmane sunnite de cette partie de la capitale, en la chassant de certaines rues et parfois en tuant. Le Hezbollah en fera peut-être autant demain dans certains secteurs druzes ou chrétiens. Quant à l'emprise du " parti de dieu " sur la population chiite, elle prend déjà la forme d'une dictature, assortie d'un contrôle étroit de la société pesant particulièrement sur les femmes. Mais l'emprise des milices musulmanes sunnites ou chrétiennes dans certaines régions ne vaut guère mieux.
La contradiction est frappante entre la violence du conflit et l'enjeu politique, qui peut sembler dérisoire : quelques places au gouvernement pour l'organisation chiite, et qui sera le prochain président de la République, de toute façon sans guère de pouvoir. C'est pourquoi le Hezbollah cherche à donner à sa lutte un visage social, la CGT libanaise qu'il contrôle ayant par exemple appelé à la grève pour l'augmentation du salaire minimum. Mais ce n'est évidemment pas le premier souci d'un parti qui est d'abord celui d'une des fractions des couches dirigeantes libanaises.
Depuis la guerre de 2006, la population souffre notamment des conséquences des destructions, de l'inflation, du blocage de l'économie et du chômage. Cette dernière crise ne fera que rendre les problèmes plus aigus et apporter un lot supplémentaire de souffrances. Aucun des problèmes de la population ne sera résolu par les cliques politico-communautaires et les milices qui s'affrontent pour le pouvoir, ni même par les différents " sauveurs " qui se proposent régulièrement d'intervenir, qu'il s'agisse d'Israël, des États-Unis ou de la France, mais aussi de la Syrie ou de l'Iran.