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Roumanie : Succès de la grève chez Dacia
Commencée le 24 mars, la grève des ouvriers de l'usine Dacia-Renault de Pitesti, en Roumanie, s'est terminée dix-neuf jours plus tard, sur une victoire partielle, mais réelle.
Même si les salaires versés chez Dacia sont, paraît-il, supérieurs de 30 % à la moyenne des salaires roumains, la majorité des 13 000 travailleurs de l'usine qui fabrique les Logan ne touchaient qu'environ 200 euros, et deux mille d'entre eux encore moins. " On nous dit que nous sommes membres de l'Europe, disait un syndicaliste, mais pour l'heure seuls les prix nous le rappellent. " Et pour vivre, beaucoup doivent ajouter un deuxième travail à leur emploi chez Dacia. " Nous ne sommes pas près d'acheter les voitures que nous fabriquons ", déclarait un ouvrier. En effet, selon la direction elle-même, il faudrait consacrer dix-neuf mois de salaire pour acquérir une Logan. De plus les loyers ont flambé, comme les prix de l'alimentation, nourrissant une inflation de 10 %.
Pourtant la Logan se vend bien. Ses chiffres de vente ont augmenté de 17 % l'an dernier, et les objectifs de la direction sont d'augmenter la production de 60 % en 2008. C'était, pour les travailleurs de Dacia, une raison de plus de faire grève et de réclamer une véritable augmentation, soit 550 lei de plus par mois pour chacun (environ 147 euros) et une prime sur les bénéfices.
C'est donc une grève déterminée qui s'est installée, avec des assemblées ouvrières nombreuses, obligeant la direction à faire des propositions à la hausse. Au cours de la troisième semaine de grève, le patron a tenté de contester la légalité de la grève, mais a été débouté par le tribunal. À la suite de quoi, le 10 avril, six mille manifestants ont réaffirmé leurs revendications dans les rues de Pitesti.
C'est finalement le 11 avril que la nouvelle proposition de la direction, présentée par celle-ci comme un " compromis raisonnable ", a été acceptée par les syndicats, mettant fin à une longue grève où la direction en aurait été pour ses frais, avec la perte de 20 000 véhicules environ. Les patrons cèdent une augmentation de 360 lei (près de 100 euros) en deux fois, au 1er janvier puis au 1er septembre 2008. De plus, ils lâchent une prime annuelle correspondant à environ un mois de salaire, avec un plancher de 900 lei (250 euros).
Comme le craint un directeur, ce succès des travailleurs de Dacia pourrait avoir des retombées positives sur les salaires des ouvriers de la sous-traitance, eux aussi impliqués dans la sortie de chaîne quotidienne des 1300 Logan. Il pourrait aussi encourager d'autres travailleurs à revendiquer. Ainsi 1000 salariés d'ArcelorMittal à Galati qui, rappelant le mouvement de leurs camarades de Dacia-Pitesti, ont manifesté le 14 avril devant leur usine, pour réclamer le doublement de leur salaire net (750 lei en moyenne, environ 210 euros), ainsi que l'augmentation des primes et des aides financières versées aux familles des sidérurgistes victimes d'accidents du travail.
À force de spéculer sur les bas salaires, notamment dans les pays nouvellement entrés dans l'Union européenne, les capitalistes finissent par susciter des réactions ouvrières importantes. Par ailleurs, le succès des collectes organisées en soutien aux grévistes de Dacia par les syndicats auprès des ouvriers des usines automobiles françaises, Renault ou Peugeot, montre que la tentative de mettre en concurrence les uns et les autres commence à faire long feu.