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- Lutte ouvrière n°2070
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Editorial
S'opposer aux attaques contre les retraites
"Inéluctable", le passage à 41 ans de cotisation pour toucher une retraite pleine, vient d'affirmer encore Xavier Bertrand, le ministre des Affaires sociales. " Inéluctable ", oui, du point de vue d'un gouvernement qui applique servilement la politique que lui dicte le grand patronat. " Inéluctable ", oui, tant qu'il peut impunément prendre des mesures destinées à appauvrir le monde du travail pour augmenter les profits élevés des entreprises.
Les ministres répètent des banalités du genre : on n'y peut rien, c'est la démographie, c'est l'allongement de la durée de vie qui font qu'il y a de moins en moins d'actifs pour de plus en plus de personnes âgées.
C'est un mensonge par omission car ils oublient volontairement l'augmentation incessante de la rentabilité du travail. Chaque actif produit bien plus de richesses qu'il y a trente ou cinquante ans. Chaque travailleur de l'industrie automobile sait que de plus en plus de véhicules avec de moins en moins d'ouvriers sortent des chaînes, au prix d'une fatigue plus grande et d'une usure avant l'âge. Il en va de même dans toutes les branches de l'activité productive.
Si le surplus de productivité ne se transformait pas intégralement en profit supplémentaire pour les entreprises, il y aurait de quoi payer une retraite convenable à tous les retraités et réduire le temps de travail comme le nombre d'années de cotisation.
Les ministres qui présentent l'allongement de la durée de cotisation comme inéluctable savent, ce que tout le monde sait, qu'au-delà de 55 ans à peine plus d'un tiers des travailleurs ont encore un emploi. Tout le monde sait qu'accroître le nombre d'années de cotisation pour toucher la pension de retraite complète signifie surtout réduire de façon hypocrite le montant des pensions.
Le montant des pensions est déjà lamentable pour les bas salaires, même pour ceux qui ont pu cotiser tout au long de leur existence. Mais ceux qui n'ont pas le nombre d'annuités, à cause du chômage, de la maternité et ses suites, et nombre de travailleurs immigrés ont des retraites amputées. Souvent, leur pension dépasse à peine les 621 euros mensuels du minimum vieillesse.
Les pensions de retraite, ce n'est pas un cadeau. C'est du salaire différé. Il est inadmissible que les retraites puissent être inférieures au smic, dont le montant ne constitue vraiment pas un privilège mais un minimum vital. Et il faudrait que cette somme, ce minimum vital, soit indexée sur les hausses de prix.
Il ne faut pas chercher midi à quatorze heures pour augmenter les retraites. Il suffirait d'augmenter les cotisations patronales à un taux tel que la caisse de retraite ne puisse être mise en déficit. Il n'y a pas de raison de condamner les anciens à crever littéralement de faim, surtout dans cette période d'emballement des prix, et tout cela simplement pour ne pas toucher aux profits des entreprises.
Aucun gouvernement ne prendra, de plein gré, l'initiative d'une augmentation conséquente de la taxation des profits. Comment pourrait-il être touché par le sort des retraités alors qu'il ne l'est pas par celui des handicapés qui doivent tenter de survivre avec 628 euros par mois ?
Les retraités en sont réduits à protester comme ils peuvent. Seuls, ils n'ont guère de moyens de pression sur un patronat qui a un coffre-fort à la place du coeur ou sur un gouvernement qui en est le serviteur obséquieux.
Ce sont les travailleurs en activité qui ont la force de faire reculer patronat et gouvernement. C'est leur travail qui fait tourner l'économie et la machine à profits. Salariés, nous sommes tous les retraités de demain. Lorsque, poussés par la dégradation du pouvoir d'achat, nous engagerons la lutte inévitable pour une augmentation générale des salaires, il faudra exiger l'annulation de toutes les mesures augmentant le nombre d'années de cotisation et imposer qu'aucun salaire et aucune pension de retraite ne puissent être inférieurs au smic.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 31 mars