Marchands de mort : On arrête un trafiquant... mais pas le trafic13/03/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/03/une2067.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Marchands de mort : On arrête un trafiquant... mais pas le trafic

On vient d'apprendre l'arrestation en Thaïlande de Victor Bout, un marchand d'armes dont la carrière avait largement inspiré le film Lord of War qui dénonçait le trafic d'armes et les trafiquants. Mais dans la vie de Victor Bout, la réalité vaut bien la fiction.

Ancien officier de l'armée soviétique, Victor Bout prospéra, au début des années 1990, en faisant main basse sur les stocks d'armes, mais aussi sur une flotte d'une cinquantaine d'avions très gros porteurs, des Antonov ; cela lui permit d'ajouter au traditionnel catalogue du marchand d'armes des articles plus inhabituels, comme des chars ou des hélicoptères, livrables partout dans le monde.

En homme d'affaires avisé, il évitait toute discrimination à la vente. À maintes reprises, il équipa donc les deux camps en présence, fournissant, en Afghanistan, tant le commandant Massoud que les Talibans ou, en Angola, tant le gouvernement que les rebelles de l'Unita. Et lorsque Mobutu, ex-dictateur du Zaïre, fut chassé du pouvoir par des troupes armées par Victor Bout, c'est dans un des Antonov qu'il quitta son pays.

Les mauvais esprits pourraient penser qu'entre un Victor Bout et un Serge Dassault, seul le chiffre d'affaires change ; et que le second, qui est un véritable industriel, là où le premier n'est finalement qu'un artisan, mérite bien davantage que Bout le titre de " marchand de mort " dont la presse gratifie ce dernier.

Cependant, la fable selon laquelle le monde des vendeurs d'engins de mort se diviserait entre gens respectueux des décisions des États dits démocratiques et voyous sans scrupules que ces États combattraient, ne résiste pas à certains détails du CV de Victor Bout. Celui-ci a en effet rendu de multiples services aux États occidentaux. C'est en transportant des troupes belges vers la Somalie, en 1993, qu'il a lancé sa " petite entreprise ". Les États-Unis qui l'avaient interdit de séjour suite au 11 septembre 2001 l'ont rencontré officieusement deux fois sur leur territoire... avant de lui confier l'acheminement du matériel pour leurs troupes stationnées en Irak, pour une facture de 60 millions de dollars. Quant à la France, en 1994, ce sont les Antonov de Bout qui ont transporté les soldats français au Rwanda lors de l'opération Turquoise.

Dans la scène finale du film Lord of War, on entendait ce discours des lèvres du personnage principal : " Bien que le plus important marchand d'armes au monde soit le Président des États-Unis, qui distribue plus de marchandises en un jour que je ne le fais en un an, il peut être embarrassant que ses empreintes se retrouvent sur les armes. Parfois il lui faut un pigiste comme moi pour armer des forces qu'il ne peut armer lui-même ".

On ne saurait mieux dire.

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