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- Lutte ouvrière n°2066
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Russie - "Deux ours (medved, en russe) : Pour une tanière, c'est un de trop" - proverbe populaire
Dmitri Medvedev vient de devenir officiellement le troisième président de la Russie de l'ère post-soviétique. Cela en ayant été élu par ... Vladimir Poutine, son prédécesseur et mentor, avant que les électeurs soient appelés à ratifier ce choix. Ce qu'ils ont fait, le 2 mars, en votant à 70 % pour le candidat du Kremlin. Du moins, si l'on se fie aux résultats proclamés.
En effet, si changement de titulaire du poste présidentiel il y a, ce scrutin témoigne une nouvelle fois d'une grande continuité dans les pratiques électorales des autorités.
Les trois autres concurrents, chargés de faire de la figuration, n'ont pratiquement pas eu accès aux médias (et surtout aux financements de l'État). Ils ont recueilli respectivement plus de 17 % pour le candidat du PC, Ziouganov, un peu moins de 10 % pour l'ultra-nationaliste Jirinovski et guère plus de 1 % pour un illustre inconnu.
Quant à Medvedev, dont l'élection semblait assurée même sans cela, son score a été gonflé par les moyens habituels : pressions sur les électeurs ; bureaux de vote sur les lieux de travail avec présence de la hiérarchie ; bourrage des urnes en de nombreux endroits.
Comme, depuis l'ère Eltsine, les candidats du pouvoir voyaient leur cote s'effriter, surtout dans les grandes villes, Poutine avait pris soin de supprimer la possibilité de mettre dans l'urne un bulletin de vote coché à la case " contre tous ". Du coup, les mécontents du pouvoir, ou de la comédie électorale organisée périodiquement par ce dernier, avaient tendance à s'abstenir. Dans ce scrutin, le Kremlin craignait-il une abstention d'autant plus massive que l'élection semblait jouée d'avance ? Toujours est-il que dans les jours précédant l'élection, il a multiplié les appels à voter... et sans doute pris toutes les mesures voulues pour rectifier la participation électorale dans le sens voulu en haut lieu.
Irrégularités, maquillage des résultats, inégalité institutionnalisée des concurrents face aux médias... la routine en quelque sorte. La même routine qui a fait que dès le lendemain, quelques dizaines de manifestants qui dénonçaient cette " farce électorale " dans le centre de Moscou ont été embarqués sans ménagement par la police.
Avant même que Medvedev ne prenne ses fonctions (ce sera le 7 mai) et que Poutine ne devienne, rôle qu'il s'est choisi, Premier ministre surveillant son héritier, toute une partie de la presse écrite russe s'est mise à épiloguer sur ce pouvoir en tandem. Pour les plus respectueux, il serait à l'image des armoiries héritées du tsarisme, l'aigle bicéphale. D'autres y voient un trompe-l'oeil, la réalité du pouvoir restant entre les mains de Poutine : un peu comme dans des matriochkas emboîtées (beaucoup évoquent les dirigeants russes successifs), sous Medvedev, on trouverait Poutine... Les moins irrévérencieux, et peut-être les plus lucides, font remarquer qu'il ne peut y avoir deux personnages pour exercer un commandement suprême : tôt ou tard, un conflit éclatera, et l'un des deux devra s'effacer.
En attendant, de Sarkozy à Brown, Merkel, Bush et Barroso, président actuel de l'Union européenne, cela a été la ruée pour savoir qui serait le premier à féliciter le nouveau président russe, malgré le caractère évident de simulacre démocratique qu'a été son élection : cynisme politique, mépris des peuples et sens des affaires, les dirigeants occidentaux votent, eux, pour la continuité.