Kosovo : Une indépendance qui ne règle rien20/02/20082008Journal/medias/journalnumero/images/2008/02/une2064.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Kosovo : Une indépendance qui ne règle rien

Le Kosovo a proclamé son indépendance le 17 février, se séparant donc de la Serbie, dont il constituait encore officiellement une province. Les Kosovars albanais, - 90 % de la population - ont manifesté leur joie d'échapper à la tutelle serbe. C'est un épisode de plus dans l'histoire du démembrement de la Yougoslavie, même s'il est peu probable que ce soit le dernier.

La Yougoslavie, telle qu'elle était sortie de la guerre mondiale après une guerre de libération menée sous la direction du Parti Communiste et de Tito, avait surmonté au moins partiellement les vieilles oppositions nationales et micro-nationales existant dans les Balkans. Mais avec la fin du régime titiste, les dirigeants des différentes républiques fédérées se sont refugiés tour à tour dans les surenchères nationalistes, bien souvent encouragés par les grandes puissance européennes, intéressées à jouer les unes contre les autres. C'est ce qui a mené, après une série d'affrontements et de guerres, à un démembrement aux conséquences catastrophiques.

Les revendications nationales des Albanais du Kosovo ont certes une vieille histoire. Mais l'avènement de Milosevic en Serbie, exaltant le nationalisme serbe, et la serbisation du Kosovo n'ont fait que raviver le sentiment national albanais qui culmina avec les affrontements entre les troupes serbes et celles de l'UCK (Armée de libération du Kosovo) en 1998-99. Milosevic pratiqua le " nettoyage ethnique " pour chasser les Kosovars albanais vers l'Albanie indépendante, avec le silence complice des grandes puissances, avant que celles-ci ne se décident à organiser des négociations de paix entre dirigeants serbes et kosovars ; l'échec de ces négociations, imputé aux Serbes, entraîna l'intervention militaire des troupes de l'OTAN, des bombardements catastrophiques pour toute la région, des déplacements de population et l'instauration d'un protectorat sur le Kosovo.

Celui-ci n'a évidemment rien réglé, ni les affrontements nationaux ni l'état de sous-développement du pays. En 2004, des affrontements très violents ont opposé la majorité albanaise à la minorité serbe qui, surtout dans les petites enclaves à l'intérieur du pays, a des raisons d'appréhender l'avenir. La situation économique d'une région pauvre mais au sous-sol relativement riche en minerais rares s'est encore détériorée du fait de la guerre, de l'abandon ou de l'usure d'installations techniques ; les coupures de courant y sont incessantes. La mission des Nations-Unies s'est révélée incompétente : les fonds promis pour réparer les destructions causées par les bombardements n'arrivaient pas, aux dires mêmes de Bernard Kouchner alors président de cette mission ; ensuite une bonne partie d'entre eux se sont perdus dans les sables de la corruption. L'agriculture est ruinée, on compte 46 % de chômeurs, des denrées de base comme le pain sont de plus en plus difficilement accessibles, les salaires avoisinent au mieux les deux cents euros, entraînant une forte émigration pour survivre.

Les Kosovars ont donc un pays et un gouvernement " souverains ". Mais les intérêts de la population pauvre ne sont sûrement pas la préoccupation de ce gouvernement. Son chef, Hashim Thaci, un ancien chef de guerre accusé d'avoir pris le contrôle d'activités mafieuses pour financer ses troupes anti-serbes, s'est fabriqué une image de politicien " respectable " sous la pression des États-Unis qui ont décidé de miser sur lui dès 1999. Que ses réseaux soient plus ou moins véreux importe peu à ses protecteurs !

L'indépendance est une réponse à l'aspiration légitime des Kosovars à être maîtres chez eux après des années passées sous la pression du nationalisme serbe. Mais elle ne règle rien, surtout avec un tel gouvernement. Comme toujours dans les Balkans, cette indépendance aiguise un autre problème, cette fois avec la minorité serbe du Kosovo. Tous les germes sont là pour de nouveaux conflits.

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