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Leur société
Banlieues : Un plan de plus pour camoufler l'incurie
Après des semaines de cacophonie ridicule, où la très droitière Boutin a critiqué l'ex-socialiste et néanmoins ministre Fadela Amara, un énième " plan banlieue " a été dévoilé mardi 22 janvier.
Ce n'est pas le premier, ce ne sera pas le dernier. Depuis dix-sept ans qu'existe le ministère de la Ville, dix-neuf ministres s'y sont succédé, et aucun n'a jamais enrayé la dégradation de la situation des quartiers populaires.
Depuis l'explosion du quartier des Minguettes, dans la banlieue lyonnaise, à l'été 1981, la " question des banlieues " a fait l'objet d'un nombre invraisemblable de plans, comme si les gouvernements voulaient masquer l'absence de moyens réels derrière une avalanche de sigles et de formules plus ou moins abscons : DSQ (Dévelopement social des quartiers), DIV (Délégation interministérielle de la ville), CNV (Conseil national des villes), GPU (Grands projets urbains) et GPV (Grands projets de ville), FUIV (Fonds unique d'intervention pour la ville) et FSU (Fonds social urbain)... sans oublier les divers classements en zones (Zones urbaines sensibles, Zones franches urbaines, Zones de redynamisation urbaine, etc.). Tous ces projets, conseils, commissions, se sont révélés autant de coquilles vides qui n'ont évidemment jamais rien résolu.
Comment pourrait-il en être autrement ? Ce n'est pas le manque de plans ronflants ni de délégations inutiles qui détruit les quartiers populaires à petit feu : c'est l'effet dévastateur des vagues de licenciements et des coupes claires dans les budgets publics. Le taux de chômage y atteint parfois 30 ou 40 % ; les transports publics y sont inexistants ; la vie sociale s'y est délitée - surtout depuis que les gouvernements successifs ont coupé les crédits aux associations de quartier et supprimé des postes de travailleurs sociaux ; les réductions d'effectifs dans les écoles y interdisent souvent de donner même une éducation élémentaire aux enfants.
Des " coachs " pour les banlieues
Dans ce cadre, le plan " Espoir banlieue " de Fadela Amara n'apporte pas grand-chose de nouveau, si ce n'est certaines propositions parfaitement ridicules, comme celle de doter d'un " coach " les jeunes des quartiers sensibles ou de créer des " cafés de parents " aux abords des écoles.
Il est prévu de " désenclaver la banlieue " en matière de transports, ce qui est évidemment nécessaire, mais ne risque pas de se faire sans des investissements massifs dans les transports collectifs, dont il n'est pas question pour l'instant.
En matière d'éducation, il n'est pas non plus question de créer les milliers de postes d'enseignants et de personnel éducatif qui manquent, mais de " faire émerger une nouvelle élite des banlieues ". La ministre voudrait même rétablir l'enseignement du grec et du latin dans les lycées de banlieue. Une proposition qui a soulevé l'indignation de députés de droite, dont l'un a estimé dans une interview, avec tout le mépris des gens de son espèce, que les jeunes des quartiers n'avaient pas besoin de grec, mais " de savoir lire un contrat de travail et le signer ".
" L'élite des banlieues ", ce sera probablement quelques jeunes particulièrement doués, ou pas, que le gouvernement sélectionnera et à qui il offrira la possibilité de faire carrière ou de monter leur entreprise, pour pouvoir ensuite les montrer à la télévision comme exemples de ce que produisent " la volonté " et la " politique de diversité ". Et pendant ce temps, l'immense majorité de la jeunesse des banlieues continuera d'être confrontée chaque jour au chômage, aux écoles et aux logements délabrés, à la montée de la violence et de la drogue.