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Tribune de la minorité
Une mascarade d'indignation qui cache mal le soutien aux dictatures !
La visite de Kadhafi à Paris la semaine dernière nous aura au moins appris que le sort du peuple libyen ne comptait pas bien cher, dans les préoccupations de nos hommes politiques, face aux 10 milliards d'euros de contrats dont Sarkozy a annoncé la signature. Car la réception en grande pompe du " guide de la révolution libyenne ", par le président flanqué de ministres mais surtout d'industriels, s'est soldée par la signature d'une série de contrats d'armement, d'aéronautique ou de nucléaire.
Côté patronat, ce fut donc la réjouissance, face à la fructueuse visite shopping de Kadhafi. Pour Serge Dassault, " Sarkozy dirige la France, il fait vendre des produits à l'étranger et c'est très bien, c'est un bon président, donc tout va bien. " Que oui ! Sarkozy a réussi à fourguer 14 avions Rafale, des hélicos " Tigre " et autres " Fennec ", des navires, des radars, des véhicules blindés. Pour le marchand de nucléaire Areva (ex-Framatome et Cogema), tout va bien aussi. Sarkozy va probablement fourguer un ou deux réacteurs pressurisés européens (EPR)... et le trust pourrait participer à l'exploitation des mines d'uranium de Libye. Pour ces grands patrons, l'État est un service commercial efficace ! Les arrhes probables, sous forme de rançon, pour la libération des infirmières bulgares ont sans doute aidé...
Mais, se sont indignés certains, la Libye de Kadhafi est une dictature odieuse. Des centaines d'opposants y croupissent en prison, sont exécutés ou meurent sous la torture. La secrétaire d'État aux droits de l'homme, Rama Yade, s'est illustrée par des propos sévères contre une France qui ne serait " qu'une balance commerciale ", qu'un " paillasson sur lequel un dirigeant, terroriste ou non, peut venir s'essuyer les pieds du sang de ses forfaits ". Sa carrière politique commence. Il lui faut se distinguer, mais point trop quand même et elle a tempéré ensuite le ton face aux remontrances de Sarkozy.
À côté, les condamnations de la gauche sont apparues bien fades. Certes Ségolène Royal a jugé " tout simplement odieux, très choquant, même inadmissible que la France aille cautionner un système de tortures en prison ". Mais l'indignation n'a pas été unanime à gauche. L'éminence socialiste Roland Dumas a réservé le meilleur accueil à Kadhafi. Et surtout, l'hypocrisie est reine.
Car la visite de dictateurs en France n'est pas une nouveauté et le déluge de réprobation vient de gouvernants ou de leurs amis, actuels ou anciens, de gauche ou de droite, dont les scrupules démocratiques sont à géométrie variable.
Il y avait moins de monde pour dénoncer la venue de Poutine, exprimant sa volonté de " buter les Tchétchènes jusque dans les chiottes ". Moins de monde pour s'offusquer que dix jours après son élection, Sarkozy reçoive Omar Bongo, dictateur du Gabon. Mais dictateur fidèle ! Les chefs d'État ou de gouvernement se succèdent en France, mais Bongo et les intérêts d'Elf-Total en Afrique demeurent ! Il en fut de même pour " sa majesté le Roi " Hassan II, et beaucoup d'autres.
Ce qui dérange avec Kadhafi, c'est probablement qu'il ne soit pas aussi " diplomatique " que souhaité. Il a eu le culot de dire vrai ou de mentir, en tout cas de provoquer en disant que Sarkozy n'avait pas parlé des droits de l'homme en Libye et qu'en France, avec la chasse aux immigrés, ces droits-là étaient bien mal respectés. Et puis il serait mal rasé, mal habillé, avec sa tente et sa garde prétorienne qui détonnent dans le beau monde politicien français !
L'épisode Kadhafi nous rappelle que Sarkozy, comme Bush ou Blair en son temps, évaluent le monde en dollars ou euros rapportés aux grands patrons dont ils sont les représentants de commerce. Les violations des droits de l'homme ne sont pour eux que faux frais. Car c'est bien pour tirer le maximum de profits de l'exploitation de la population du monde, hommes, femmes et enfants qui n'ont souvent que la peau sur les os, que les chefs des grandes puissances s'appuient sur des dictatures féroces.
L'émancipation des peuples ne pourra venir que de leur propre révolte. Et de la nôtre ici, contre l'exploitation du monde par " nos " industriels et banquiers, épaulés par l'État, sa diplomatie et surtout ses forces de répression.
Éditorial des Bulletins d'entreprise du lundi 17 décembre 2007,
Convergences Révolutionnaires n° 54 (novembre-décembre 2007) Bimestriel publié par la Fraction
Dossier :
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