Allemagne : D'anciens nazis dans les placards de la démocratie22/11/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/11/une2051.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : D'anciens nazis dans les placards de la démocratie

Le Bundeskriminalamt, le BKA, c'est-à-dire la direction fédérale de la police judiciaire allemande, vient de décider de faire " toute la lumière " sur ses liens avec le IIIe Reich. Son président, Jörg Ziercke, a donc ouvert ses archives à un groupe de chercheurs indépendants.

Mieux vaut tard que jamais ! Car soixante-deux ans après la fin du IIIe Reich, et cinquante-six ans après la création de cette police judiciaire, il ne reste guère d'anciens nazis dont cela pourrait bousculer la carrière.

Des historiens n'avaient pas attendu l'ouverture de ces archives pour démontrer que d'anciens membres de l'appareil de répression nazi occupaient la majorité des postes dirigeants du BKA dès sa création. " Parmi eux, la moitié est impliquée dans des crimes de grande ampleur ", estime Dieter Schenk, auteur d'un ouvrage sur l'histoire du BKA, paru en 2001.

Ainsi Theo Saevacke, ancien SS responsable de l'arrestation de résistants italiens et de la déportation de Juifs italiens pendant la Seconde Guerre mondiale, condamné pour ces faits seulement en 1999, avait pu travailler dès 1951 pour le BKA. En 1956, il fut promu chef de la division des affaires de haute trahison. Un ex-SS, Kurt Amend, fut aussi le chef de l'unité de recherches du BKA dans les années cinquante.

Ce recyclage du personnel nazi ne fut pas le seul apanage de l'Allemagne ou de l'Autriche. Les États européens ont fait de même avec d'anciens complices locaux des autorités occupantes nazies, y compris en France. Là aussi, le silence a été longtemps la règle, et les carrières des anciens collaborateurs vichystes recyclés n'ont dans l'ensemble guère été perturbées, comme le montre l'exemple de Papon, qui fut préfet sous de Gaulle, ministre sous Giscard, et ne fut poursuivi que bien plus tard.

Les États-Unis comme la plupart des États d'Amérique du Sud ont fait de même avec d'anciens nazis, réfugiés mais aussi rapatriés par les autorités au niveau le plus élevé. On ne recyclait pas seulement des spécialistes de la physique nucléaire mais aussi d'authentiques anciens tortionnaires, qui surent transmettre leurs " compétences " aux armées de leur pays d'accueil.

Avec les débuts de la Guerre froide en 1947, l'anticommunisme d'anciens nazis ou d'anciens collaborateurs devint un passeport pour une nouvelle carrière dans un régime dit démocratique. De la même façon, ceux qui en France avaient organisé les rafles contre les Juifs et leur déportation, comme le fit la police française en collaboration avec les autorités occupantes, avaient ainsi une expérience qui fut ensuite mise à profit contre les Algériens pendant la guerre d'Algérie.

En Allemagne, les historiens ont commencé à montrer comment cette forte présence nazie au niveau le plus élevé de la police judiciaire a pesé sur ses comportements jusque dans les années soixante-dix.

Cependant le BND, équivalent allemand des Renseignements Généraux, garde encore ses archives bien closes. Les appareils d'État ne sont jamais très pressés d'ouvrir leurs placards et de montrer les crimes qui s'y dissimulent.

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