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Tribune de la minorité
Du vent pour la planète.
" Plan Marshall pour l'environnement " ou " New Deal écologique ", aucune référence historique ne semble assez forte à Nicolas Sarkozy pour qualifier les résultats du " Grenelle de l'environnement ". Les rencontres entre le ministre de l'écologie Jean-Louis Borloo et les représentants d'associations, ONG, syndicats et organismes patronaux, constitueraient même une " révolution verte " !
Les réactions des participants vont dans le même sens. Pour le porte-parole de l'Alliance pour la planète et de Greenpeace, " on a enclenché incontestablement quelque chose ". Le réseau France Nature Environnement juge le résultat " globalement vraiment positif ". Même appréciation pour Nicolas Hulot. Le député européen des Verts Daniel Cohn-Bendit, salue " une avancée ". Même l'altermondialiste José Bové rend hommage à l'initiative écolo du gouvernement en jugeant qu'elle va " dans le bon sens ".
Baigné dans cette belle unanimité, voilà donc Sarkozy intronisé en Che Guevara de la cause écologiste et du développement durable. Cerise sur le gâteau bio, il reçoit les félicitations d'un autre écolo-guérillero de fraîche date, Al Gore, ancien vice-président des USA sous Clinton, et récent prix Nobel de la paix.
Devant tant d'éloges, on pourrait se dire que peut-être, Sarkozy et son gouvernement essaient de faire, vraiment, quelque chose pour la planète. Mais quand on regarde de plus près, on est loin du compte. La révolution annoncée semble se réduire à un moratoire de quelques mois sur les OGM, la construction de nouvelles lignes TGV (mais rien sur les réseaux ferroviaires locaux ; là, pas de moratoire sur la fermeture des gares) ou... l'obligation pour les cantines scolaires de faire un repas bio par semaine.
En tous cas, aucune mesure tant soit peu contraignante pour le patronat. Sarkozy et Borloo veulent sauver la planète, mais refusent de s'en prendre aux principaux pollueurs, aux grandes entreprises de l'agroalimentaire ou de la chimie. Au contraire, un certain nombre des mesures qu'ils préconisent vont revenir à faire payer, encore, l'ensemble de la population et les travailleurs. C'est le cas de l'" éco-vignette " qui touchera les possesseurs de voitures les plus polluantes, c'est-à-dire les plus vieilles, donc celles des plus modestes. Et aussi de la mise à l'étude d'une " taxe carbone ", un nouvel impôt sur la consommation d'énergie et sur le carburant. En échange de cette nouvelle taxe, un allégement de la fiscalité sur le travail, c'est-à-dire encore des exonérations de charges pour les patrons ou une baisse de l'impôt sur le revenu qui bénéficiera aux plus riches. Faire payer les travailleurs pour faire encore des cadeaux aux riches, voilà la " révolution verte " de Sarkozy !
Tout le projet du gouvernement, c'est de concilier l'écologie et ladite croissance, celle des profits patronaux ; c'est vouloir satisfaire à la fois les patrons et les écologistes. Heureusement pour lui, ces derniers semblent se satisfaire de peu : quelques mots ronflants sur le développement durable, et tout le monde applaudit ! Jusqu'à Laurence Parisot, présidente du Medef, qui se félicite du " bon équilibre des annonces ", l'équilibre en question se résumant à rien contre les patrons et du vent pour l'environnement !
Le but du gouvernement Sarkozy n'est pas de lutter contre la pollution, mais de poser à bon compte en sauveur de la planète, en essayant de faire oublier sa politique anti-sociale, des franchises médicales à la casse des retraites. Mais pour s'en prendre vraiment à la pollution et au pillage de la planète, comme pour la défense générale des intérêts des travailleurs, ce n'est pas un Grenelle qu'il faudra.
Les " accords de Grenelle ", en 1968, cela avait été l'enterrement de la grève générale, derrière le dos des travailleurs, ce qui permit à De Gaulle de reprendre la main. Le Grenelle d'aujourd'hui, c'est un peu de mousse écolo, pour conjurer les futures grandes mobilisations ouvrières et populaires que craint tant Sarkozy. Mais il a beau être le roi de l'esbroufe, son petit Grenelle préventif ne pourra rien contre un nouveau mai 68, qu'il ne faudra pas cette fois se laisser brader.
Éditorial des bulletins d'entreprise l'Étincelle édités par la fraction de Lutte Ouvrière, du lundi 29 octobre 2007.