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Dans le monde
Birmanie : De la domination coloniale à la dictature sanglante.
Au 19e siècle, l'actuel territoire de la Birmanie devint progressivement une province indienne, au gré des conquêtes britanniques qui débutèrent en 1824. Il séparait l'Inde, colonie britannique incluant les territoires qui ont formé le Pakistan, le Sri-Lanka et le Bangladesh, de la Chine et de la péninsule indochinoise. En 1886, après l'occupation de l'Indochine par la France, Londres protégea ses flancs en occupant totalement la Birmanie. Ainsi naquit une de ces entités artificielles dont l'Angleterre avait le secret.
Sur ce territoire se juxtaposaient une multitude d'ethnies (plus de 130 à l'heure actuelle), coexistant plus ou moins bien pendant des siècles, avec des traditions sociales, linguistiques, religieuses et économiques différentes.
La plaine centrale, à majorité ethnique birmane, devint le grenier à riz des compagnies anglaises et bientôt leur réservoir de pétrole. En même temps, la puissance coloniale contribua au développement de la bourgeoisie locale, qu'elle acheta en lui offrant des places dans un appareil d'État local, essentiellement décoratif.
Les 40 % de la population restants habitaient pour la plupart au nord et à l'est, dans les " provinces frontières " difficiles d'accès, l'Empire se gardant bien d'y construire des routes. L'autorité coloniale était déléguée aux chefs traditionnels, cependant que les Anglais recrutaient, au sein de ces ethnies, les forces qu'ils envoyaient, quand besoin était, réprimer la population des villes birmanes. Il en résulta de solides haines entre les Birmans et les minorités les plus nombreuses, Karen, Chin, Mon, Kachine, Rakhan, Shan, etc.
La naissance de l'opposition.
Ce furent ces ethnies qui entrèrent d'abord en dissidence, formant des guérillas armées dès les premières tentatives de mise en place d'un pouvoir central. Ces mouvements de rébellion n'ont pratiquement jamais cessé depuis, servant de base à la formation de nombreux partis politiques et de nombreuses zones dites " libérées ".
Dans les villes apparut, comme en Inde, une opposition bourgeoise respectueuse des institutions coloniales. Mais contrairement au Parti du Congrès indien, l'opposition birmane se radicalisa rapidement sous l'influence des idées communistes. En 1930 fut formé le premier parti indépendantiste, puis, en 1933, les premiers syndicats, chez Burmah Oil Company, plus tard rachetée par BP. En 1938, les ouvriers du pétrole firent grève pendant onze mois, grève au cours de laquelle ils parcoururent à pied les 400 kilomètres qui séparaient les puits de la capitale.
L'opposition étudiante de Rangoun avait pour leader Aung San, père de l'actuelle figure de proue du mouvement démocratique, héritier d'une famille de l'aristocratie foncière. Ce dernier fut de toutes les aventures politiques et participa à la fondation, en 1939, du PCB, le Parti Communiste Birman, ce qui ne l'empêcha pas, plus tard, de s'allier à des réactionnaires pour se débarrasser du PCB.
À l'époque, l'Internationale Communiste était aux mains de la bureaucratie stalinienne, dont la politique dite des " fronts populaires " exigeait des partis communistes qu'ils mettent le mouvement ouvrier des pays colonisés à la remorque des forces nationalistes bourgeoises.
Le mouvement nationaliste à la remorque du Japon... puis des " Alliés "
En Birmanie, une grande partie du mouvement nationaliste, derrière Aung San, tomba pendant la Deuxième Guerre mondiale dans le piège d'une alliance avec le Japon. Aung San et les autres dirigeants nationalistes, groupe qui fut nommé les " Trente camarades ", prirent la tête d'une Armée Nationale Birmane équipée par Tokyo. Ils s'attaquèrent aux troupes anglaises pour préparer le débarquement japonais, puis rejoignirent le gouvernement fantoche mis en place par Tokyo.
L'indépendance promise tardant à venir, Aung San et ses camarades changèrent de cap en 1944, renouant avec le PCB et passant un marché avec les Alliés en retournant les fusils de l'Armée Nationale Birmane contre les Japonais.
A la fin de la guerre, l'influence du PCB crût rapidement, tandis que Aung San rebaptisait son parti en " Parti Socialiste ". Les grèves se multiplièrent, la population pauvre réclamait le départ des colonisateurs et la fin de la misère. L'agitation armée reprit dans les " provinces frontières ", malgré la répression désormais dirigée par le général Ne Win, l'un des " Trente camarades ", contre les maquis communistes. Londres redouta un enlisement, qui s'ajouterait au problème que lui posait la Malaisie voisine. Il fut décidé d'abandonner la Birmanie qui devint indépendante en janvier 1948 et, seule des ex-colonies britanniques, quitta le Commonwealth.
De l'opposition à la dictature.
Entre-temps, le 19 juillet 1947, Aung San et cinq ministres du gouvernement provisoire avaient été assassinés. Les auteurs restèrent inconnus, mais la place était libre pour les ambitions d'un certain nombre de dirigeants " historiques " comme Ne Win, qu'ils eussent ou non reçu le soutien des services secrets anglais.
À peine au pouvoir, le gouvernement de la Birmanie indépendante prenait l'offensive contre la population pauvre et contraignait le PCB à passer dans la clandestinité. Pendant dix ans, l'armée dirigée par les anciens membres des " Trente camarades " allait rester dans l'ombre. Mais en 1962 Ne Win l'installait au pouvoir pour ne plus le quitter jusqu'aux émeutes de 1988. Un régime de parti unique - celui du Parti du Programme Socialiste - était instauré pour réaliser " la voie birmane vers le socialisme ". Derrière cette rhétorique empruntée au stalinisme se cachait une dictature sanglante, que les militaires, très vite revenus au pouvoir après les émeutes de 1988, perpétuèrent.