- Accueil
- Lutte ouvrière n°2042
- Sarkozy au Sénat : Un programme de régressions sociales
Leur société
Sarkozy au Sénat : Un programme de régressions sociales
Derrière les formulations hypocrites sur la " justice sociale ", " l'équité ", le nouveau contrat social, le discours de Sarkozy devant les " journalistes de l'information sociale " le 18 septembre était une véritable déclaration de guerre au monde du travail, sur tous les sujets abordés.
À propos de la loi sur les 35 heures, déjà fortement remise en cause au cours des cinq dernières années, Sarkozy a déclaré que son " assouplissement " était " incontournable ", manière d'annoncer qu'il allait lever les obstacles qui limitent la possibilité pour les employeurs d'imposer les horaires de travail de leur choix. Ce n'est pas seulement les 35 heures, c'est les 40 heures que cela remet en cause. C'est revenir plus de 70 ans en arrière.
Sarkozy a affirmé que les 35 heures illustraient la faillite de la " stratégie de partage du travail ". Mais il faut un fier culot pour dire cela dans un pays où depuis des années la stratégie patronale, avec la bénédiction des gouvernements successifs, consiste non pas à partager le travail, mais au contraire à faire effectuer plus de production par moins de travailleurs, avec évidemment les conséquences que cela a sur le maintien d'un chômage de masse.
Et ce ne sont pas les projets de Sarkozy qui vont faire réduire le nombre des licenciements et des suppressions d'emplois régulièrement annoncés, puisqu'il prétend qu'il veut réformer le contrat de travail, notamment en ce qui concerne la période d'essai et les indemnités de licenciement, affirmant que la France souffre d'un " trop plein de droits ", en ce qui concerne les travailleurs bien entendu. Il n'a pas osé parler de généraliser le " contrat nouvelle embauche ", mais si la formule n'était pas employée, le contenu était présent.
Sarkozy a par ailleurs annoncé la suppression de la dispense de la recherche d'emploi pour les chômeurs âgés. Cela ne leur permettra évidemment pas de retrouver un travail, car aucun patron n'a envie d'embaucher des salariés de 58 ou 59 ans. Mais cela permettra de radier des listes ceux que décourageraient des démarches qu'ils savent de toute manière inutiles. Quant aux indemnités de chômage, si Sarkozy a fait miroiter une possible revalorisation, il a surtout précisé qu'elles seraient de plus courte durée.
D'ailleurs, tout en déclarant qu'il ne s'agissait pas de stigmatiser les chômeurs, c'est pourtant ce que Sarkozy s'est dépêché de faire, en réclamant, en promettant " des sanctions rapides, exemplaires et dissuasives " contre les " fraudeurs " et en regrettant qu'en 2006 il n'y avait eu en France que 2 % de chômeurs sanctionnés, alors qu'en Belgique et en Espagne il y en avait eu quatre fois plus.
Faisant état d'un smic qui d'après lui progresse fortement, Sarkozy s'est prononcé pour la mise en place d'une " commission indépendante " qui ferait des " recommandations " fondées sur " la situation économique générale ", ce qui est une manière de déconnecter le smic de l'augmentation du coût de la vie, car il est évident que pour Sarkozy et ses amis du grand patronat la " situation économique générale " s'opposera à toute revalorisation un tant soit peu sérieuse du smic.
Dans la foulée, il a déclaré qu'il voulait réexaminer le montant des minima sociaux pour encourager à la recherche d'un travail, ce qui ne peut signifier, en clair, que les diminuer.
Sarkozy qui ne s'est pas privé ces derniers temps de faire de la démagogie sur la nécessité d'aider les personnes dépendantes en créant une nouvelle branche de la Sécurité sociale, a aussi dévoilé le fond de sa pensée sur ce sujet, comme sur l'assurance maladie : il s'agit d'inciter les gens à souscrire des assurances complémentaires. Et tant pis pour ceux qui n'en auront pas les moyens. Cela promet de bonnes affaires aux compagnies d'assurances, mais contribuera encore à creuser davantage le fossé qui sépare en matière d'accès aux soins la fraction la plus défavorisée de la population des classes aisées.
Ce n'est qu'au bout de trois quarts d'heure que Sarkozy a abordé le chapitre le plus attendu par les journalistes, celui de la réforme des " régimes spéciaux " de retraites. Il a bien sûr confirmé sa volonté de les " harmoniser " avec le régime général. Mais ces menaces ne s'adressaient pas qu'aux travailleurs qui relèvent de ces régimes, car dans la foulée il a déclaré qu'il voulait aller vite sur la " réforme " des retraites du régime général qu'il voulait " conclure " au premier semestre 2008. C'est dire que ce sont tous les travailleurs qui sont concernés par les projets du chef de l'État concernant les retraites.
Quant à la manière de mener à bien la concertation entre le patronat et les syndicats de salariés sur les " régimes spéciaux ", il a fixé un délai de quinze jours pour qu'elles aboutissent, et veut que tout le reste soit réglé à la fin de l'année, faute de quoi l'État " prendrait ses responsabilités ".
Mais à côté de la menace du bâton, il y avait la carotte brandie, le coup de chapeau adressé aux organisations syndicales, la promesse que l'État devrait se préoccuper d'assurer leur bon fonctionnement et leur financement.
Il est bien possible qu'un certain nombre de dirigeants confédéraux soient sensibles à ce discours. Mais il est bien moins sûr qu'il convainque les travailleurs de subir sans réagir ces attaques frontales.