- Accueil
- Lutte ouvrière n°2037
- La crise immobilière américaine : Les pauvres de tous les pays vont payer la note
Leur société
La crise immobilière américaine : Les pauvres de tous les pays vont payer la note
La semaine dernière, les Bourses du monde entier ont attiré l'attention de toute la presse, car l'évolution des cours amenait à craindre une panique pouvant déboucher sur une crise catastrophique.
De la crise de l'immobilier...
Au début, on nous avait dit que c'était limité à l'immobilier aux USA et que, bien sûr, on ne craignait rien ici. Puis ce fut une semaine, sinon de panique, du moins d'inquiétudes dans les Bourses du monde entier, où les cours s'effondraient après avoir joué au yo-yo depuis quelques semaines. En fait, cette crise s'était amorcée dès le printemps 2007.
Aujourd'hui, les commentateurs se veulent rassurants, expliquant que les injections massives de fonds par les banques centrales vont permettre de rétablir la situation. Mais ils sont beaucoup plus discrets sur les mécanismes qui ont mené à cette crise, et surtout sur ses conséquences pour les classes populaires, même dans le cas où elle serait jugulée.
La crise a d'abord été aux États-Unis celle des « subprimes », ces prêts immobiliers à risque largement accordés à de nombreux acheteurs de logements, mais à la solvabilité douteuse, et dont certaines sociétés se sont fait une spécialité. Tant que le marché de l'immobilier se portait bien, au sens capitaliste du terme, c'est-à-dire que les prix ne cessaient de monter, les risques pris par ces sociétés de prêt étaient nuls. Si l'acheteur était incapable de payer ses traites, le prêteur pouvait toujours récupérer la maison, et même faire en plus un gain supplémentaire appréciable dans cette opération.
Mais le marché de l'immobilier n'est pas illimité, surtout dans une société qui fabrique bien plus de pauvres que de riches. Et quand les cours de l'immobilier ont donné des signes de faiblesse, les sociétés spécialisées dans le « subprime » ont connu leurs premières difficultés. Le 2 avril, New Century, le numéro deux du « subprime » aux USA, se déclarait en faillite. Le 10 août, la Home Banc a demandé à être placée sous la protection de la loi américaine sur les faillites.
...à la mise en danger des grandes banques
Mais la crise n'a pas touché que les spécialistes du « subprime », car beaucoup de banques, et pas seulement aux États-Unis, avaient elles-mêmes des intérêts, des participations, dans le capital des sociétés pratiquant le « subprime », et se trouvaient du même coup mises en danger.
Il est bien difficile de savoir lesquelles, car le fameux « secret bancaire » recouvre tous ces liens d'un voile opaque. Cependant, le quotidien économique Les Échos a publié le lundi 13 août une liste des banques « les plus exposées » dans la tourmente actuelle. On y trouve non seulement des banques américaines, mais aussi la Deutsche Bank, le Crédit Suisse... et la française BNP, qui est d'ailleurs l'un des créanciers de la Home Banc citée plus haut pour « seulement » 30 millions d'euros, selon ses dirigeants. Mais que la BNP ait réellement des problèmes est évident, puisqu'elle a dû geler les opérations concernant trois de ses fonds d'investissement, dont elle se disait incapable de calculer la valeur liquidative.
Mais les ennuis publics de la BNP ne prouvent pas que d'autres grandes banques françaises n'aient pas des soucis à se faire.
Ce qui tend aussi, d'ailleurs, à prouver que de grands établissements bancaires sont concernés, c'est la rapidité avec laquelle les banques centrales des grands pays, États-Unis, Japon, Union européenne, ont, pour tenter d'empêcher l'extension des faillites, « injecté des liquidités » (c'est-à-dire des sommes énormes), suivant l'expression employée par la presse, qui ne s'attarde pas en explications sur l'origine de ces fonds ni sur leurs bénéficiaires. Les bénéficiaires ne peuvent évidemment être que les sociétés exposées... c'est-à-dire les banques. Et ces « liquidités », les banques centrales ne les tirent pas de leur chapeau. Quand la Banque centrale européenne « injecte » ainsi des fonds, ceux ci proviennent des banques centrales des différents pays et, en dernière analyse, ce sont les États qui paieront... c'est-à-dire les classes populaires, puisque la politique du gouvernement consiste à diminuer sans cesse les impôts payés par les plus riches.
Les conséquences pour les classes laborieuses
Nul ne peut prévoir aujourd'hui quelles seront les conséquences à long terme de cette crise, pas même les prétendus experts économiques qui ne l'ont pas vue venir, non parce qu'ils sont incompétents (même s'ils le sont souvent), mais parce que le propre du système capitaliste est d'être imprévisible.
Sa seule conséquence sera peut-être d'entraîner une nouvelle baisse du niveau de vie des classes populaires, si celles-ci ne répondent pas collectivement aux attaques dont elles sont et seront l'objet. Mais la crise du « subprime » peut aussi déboucher sur une crise bancaire généralisée, la faillite de grandes banques qui fermeront leurs portes au nez des particuliers qui tenteront vainement de récupérer les maigres économies qu'ils y avaient placées, et sur une crise générale de l'économie. La fébrilité dont font preuve depuis quelques semaines toutes les places boursières traduit en tout cas les craintes de nombre de capitalistes de voir le taux de profit des entreprises diminuer, car ils savent que tous les secteurs de l'économie sont liés.
Scénario catastrophe ? Peut-être, mais pas si invraisemblable que cela. La grande crise économique de 1929 a commencé, après une période où les actions en Bourse ne cessaient de monter, par l'explosion de cette bulle spéculative, qui en quelques mois a entraîné la plus grande récession économique que la société capitaliste ait connue, et a débouché sur la Deuxième Guerre mondiale.
L'humanité ne sera pas à l'abri de ce genre de catastrophe tant que subsistera le système capitaliste, un système qui a certes été un facteur de progrès économique à sa naissance - même si cela s'est fait au moyen du pillage de contrées entières et d'une exploitation forcenée des travailleurs - mais qui est sénile depuis longtemps.
On nous vante la « régulation par le marché », opposée à « l'étatisme » et aux services publics, ce qui n'empêche pas les financiers d'appeler les États et les fonds publics à leur secours, lorsque le marché les menace d'une crise qu'ils ont eux-mêmes provoquée.
Le marché capitaliste, la régulation par l'offre et la demande dominée par la recherche du maximum de profit, est un système irrationnel, dans lequel la vie des hommes, l'avenir même de la planète, dépendent de la manière dont une petite minorité de gens, riches à ne plus savoir que faire de leurs capitaux, recherchent la manière de les placer pour s'enrichir encore plus, sans se soucier des conséquences de leurs choix.