En ces temps où l'ouverture du marché de l'énergie fait surgir des courtiers résolus à s'enrichir sur le marché du gaz et de l'électricité, il n'est pas mauvais de se rappeler qu'une telle déréglementation est à l'origine, aux États-Unis, d'une faillite retentissante de l'histoire économique américaine, celle du groupe Enron.

Ce groupe, qui était à l'origine un fournisseur d'oléoducs pétroliers, se transforma dans les années quatre-vingt-dix en un géant du négoce sur le marché mondial de l'énergie. " Je crois en Dieu et je crois dans le marché ", était le credo de son patron Kenneth Lay.

Enron devint la septième entreprise américaine et la seizième du monde. Lay exerça son savoir-faire dans la distribution de pots-de-vin et dans le financement des campagnes de Clinton puis de Bush. En échange, l'accès d'Enron à de nouveaux marchés était facilité. 65 % des sénateurs et 40 % des députés américains bénéficièrent des largesses d'Enron.

Enron ne produisait pas lui-même son électricité, et son activité de courtage ne se développait pas assez vite pour couvrir les dépenses. Se cachant derrière le secret professionnel, Lay maquilla ses résultats avec l'aide d'un cabinet d'audit réputé, Arthur Andersen.

Pour attirer l'argent des épargnants, les deux compères mentirent aux actionnaires, et aux employés d'Enron dont les retraites étaient indexées sur l'action Enron. Mais, au terme de cette fuite en avant, Lay et ses proches revendirent en masse leurs actions pour en tirer un ultime profit, entraînant la chute du titre. En 2001, l'action valait 83 dollars, et un an plus tard... 67 cents. 63 milliards de dollars s'étaient évaporés.

Dans cette faillite, les 4 500 salariés d'Enron perdirent leur emploi et 12 000 retraités, présents et futurs, leur pension. Le cabinet Andersen sombra avec Enron, dont la faillite déclencha une enquête fédérale sur les activités de 150 entreprises de négoce en électricité. Celle-ci révéla que les diverses manipulations des prix auxquelles ces entreprises avaient pu se livrer depuis la déréglementation avaient entraîné pour les usagers un surcoût de plusieurs milliards de dollars...