Il y a 35 ans : La signature du Programme commun28/06/20072007Journal/medias/journalnumero/images/2007/06/une2030.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Il y a 35 ans : La signature du Programme commun

Le 27 juin 1972, la direction du Parti Communiste Français pavoisait. Elle avait signé avec celle du Parti Socialiste un Programme de gouvernement qu'elle appelait de ses voeux depuis des années.

En effet pendant quatorze ans, depuis l'éviction de ses ministres du gouvernement Ramadier en mai 1947, le PCF s'était efforcé en vain de se faire reconnaître comme un parti de gouvernement comme les autres. Mais en dépit des services qu'il avait rendus à la bourgeoisie française de 1944 à 1947, en aidant à la reconstruction de l'État et au redémarrage de l'économie, ses liens avec l'URSS, sa sensibilité aux pressions de la classe ouvrière l'avaient exclu du personnel politique utilisable.

En 1954, quand Mendès France avait été pressenti comme chef du gouvernement pour mettre fin à la guerre d'Indochine, il avait déclaré que, même si les députés communistes votaient pour son investiture, il n'en tiendrait pas compte pour calculer sa majorité.

En 1958, lorsqu'éclata la crise du 13 mai qui devait ramener de Gaulle au pouvoir, le président du Conseil Pflimlin eut la même attitude, bien que les députés du PCF se soient abaissés à voter un hommage à l'armée française d'Algérie.

Ce n'est qu'au deuxième tour des élections législatives de novembre 1962, qui suivirent le référendum sur l'élection du président de la République au suffrage universel, que les choses commencèrent à changer. Le Parti Socialiste avait obtenu de si mauvais résultats (12,6 % des voix) qu'il accepta de conclure des accords de désistement réciproque avec un Parti Communiste qui avait rassemblé 21,7 % des suffrages.

De l'élection présidentielle de 1965...

Mais le Parti Communiste n'avait nulle envie de mettre son influence électorale au service des socialistes sans contrepartie. Il refusa en 1965 de soutenir la candidature du socialiste Defferre à l'élection présidentielle, et n'accepta de soutenir Mitterrand que parce que celui-ci, à l'époque, n'avait pas derrière lui un grand parti, une machine électorale puissante. Mitterrand s'en trouva bien. En en faisant " le candidat unique de la gauche ", le PCF lui assurait un brillant avenir.

Mais passé les événements de mai-juin 1968, qui avaient vu Mitterand faire acte de candidature à la présidence de la République (qui n'était d'ailleurs pas vacante !) sans tenir compte de ses anciens alliés, et s'emparer deux ans plus tard, au congrès d'Épinay, du Parti Socialiste, le Parti Communiste ne cessa de réclamer un " programme commun de gouvernement ", ce qui était une manière de dire qu'il ne voulait pas contribuer à ramener le Parti Socialiste au pouvoir sans être assuré de recevoir en contrepartie quelques portefeuilles ministériels.

La signature du Programme commun, en 1972, répondait donc à cette attente. Son contenu, au demeurant fort vague, importait peu aux dirigeants du PCF. Le principal était le fait qu'il s'agissait d'un programme " de gouvernement ", ce qui impliquait la présence de ministres communistes dans le futur gouvernement de gauche, s'il voyait le jour.

L'appareil de la CGT s'engagea lui aussi à fond dans la défense du Programme commun, n'hésitant pas à exclure des militants qui exprimaient des divergences sur son contenu.

En allié fidèle, le Parti Communiste soutint dès le premier tour la candidature de Mitterrand à l'élection présidentielle de 1974, où celui-ci, avec 32,9 % des voix au premier tour, 49,3 % au second, ne passa pas loin de la victoire.

...à la querelle PCF-PS

Mais les quelques élections partielles qui se déroulèrent dans les mois suivants vinrent doucher l'enthousiasme des dirigeants du PCF, en montrant qu'une partie de l'électorat communiste, à qui l'on venait d'expliquer que voter pour Mitterrand ou un candidat communiste était du pareil au même, votaient désormais directement pour les candidats socialistes.

Les rapports se tendirent alors entre les deux partis, le PCF réclamant " l'actualisation " du Programme commun, faisant feu de tout bois, renchérissant sur le nombre d'entreprises à nationaliser, et essayant en même temps de déborder le Parti Socialiste sur sa droite en se ralliant, alors que le Programme commun se prononçait pour la création de " zones dénucléarisées " en Europe, à la force de frappe atomique.

À la veille des élections législatives de 1978, l'Union de la gauche avait quasiment cessé d'exister. Mais tous les efforts du PCF pour maintenir son influence électorale en marquant sa différence avec le PS avaient été vains. Pour la première fois depuis 1945, le Parti Socialiste, avec 22,8 % des voix (25 % avec ses alliés Radicaux de gauche) faisait mieux que le Parti Communiste, qui n'obtenait que 20,6 % des suffrages. Mitterrand, qui n'avait jamais caché son intention de réduire l'influence électorale du PCF, avait gagné son pari.

Les trois années qui séparèrent ces élections législatives de 1978, gagnées par la droite, de l'élection présidentielle de 1981, virent les relations PCF-PS se poursuivre sur le même mode, le PCF suspectant ouvertement son ancien allié de ne pas vouloir tenir ses engagements, et en particulier de ne pas vouloir prendre de ministres communistes dans un éventuel gouvernement de gauche.

En 1981, renonçant à sa tactique de 1974, il présenta donc Georges Marchais contre Mitterrand à l'élection présidentielle. Mais le premier tour confirma la baisse de l'influence électorale du PCF, qui ne recueillit que 15,35 % des voix, face aux 25,85 % de Mitterrand. Les voix du PCF n'auraient pas suffi à assurer l'élection de Mitterrand, d'autant que son soutien était absolument dépourvu d'enthousiasme, mais la division de la droite, déchirée entre giscardiens et chiraquiens, lui ouvrit les portes de l'Élysée.

Le PCF gagne des ministères, et perd des électeurs

Désireux de faire endosser au PCF la responsabilité de la politique qu'il s'apprêtait à mener, Mitterrand lui offrit quatre portefeuilles ministériels dans le gouvernement constitué en juin 1981. Le PCF, dont c'était l'aspiration depuis si longtemps, accepta évidemment, soutint la " politique de rigueur ", le blocage des salaires, institués dès 1982... et se retrouva avec 11,2 % des voix aux élections européennes de 1984.

Il renonça alors à participer au gouvernement, y revint de 1997 à 2002, mais rien n'y fit. Les élections présidentielles qui se déroulèrent depuis (pour ne parler que de celles-ci) illustrèrent la poursuite de son recul électoral : 6,8 % des voix pour Lajoinie en 1988, 8,6 % pour Robert Hue en 1995, 3,37 % pour le même en 2002, 1,93 % pour Marie-George Buffet cette année.

Le grand succès qu'avait constitué aux yeux des dirigeants du PCF la signature du Programme commun n'a été qu'une victoire à la Pyrrhus, qui lui a fait perdre non seulement la plus grande partie de son électorat mais, ce qui est plus grave, qui a démoralisé et démobilisé une large fraction de sa base militante.

Mais, vengeance de l'histoire, en réduisant l'influence électorale du PCF, au-delà sans doute de ce qu'il rêvait, Mitterrand a privé ses successeurs de cet allié de gauche qui lui avait été indispensable pour se rapprocher du pouvoir.

La période ouverte par la signature du Programme commun en 1972 s'est close ce printemps 2007.

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