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Dans les entreprises
L'ouverture des marchés de l'électricité et du gaz : La porte ouverte aux augmentations des prix
Le 1er juillet les clients particuliers (autrement dit tout le monde) pourront choisir leurs fournisseurs de gaz et d'électricité, EDF, GDF ou d'autres. Le marché, qui a déjà été ouvert il y a six ans pour les très gros consommateurs, et il y a trois ans pour les consommateurs moyens (dits « professionnels »), le sera donc cette fois complètement.
Cela ne changera pratiquement rien dans l'immédiat pour l'immense majorité des consommateurs particuliers qui préféreront conserver leurs fournisseurs traditionnels, c'est-à-dire EDF et GDF, et les tarifs réglementés qui vont avec. Mais dans un avenir plus ou moins lointain, il n'en sera pas forcément de même. Et en tout cas l'ouverture du marché est le préalable à une éventuelle hausse importante des tarifs de l'énergie.
Le nouveau système est simple dans son principe : tant qu'un client reste chez EDF pour l'électricité et chez GDF pour le gaz, il bénéficiera des tarifs (relativement) bon marché fixés par l'État. En effet, l'État est toujours très largement majoritaire dans le capital d'EDF et dans celui de GDF, malgré une certaine ouverture de ces entreprises aux capitaux privés. Et c'est donc l'État qui en dernier ressort fixe les prix. Il vient récemment de refuser (période électorale oblige) une nouvelle hausse du prix du gaz, qui était pourtant prévue.
Mais si un client a le malheur de quitter EDF ou GDF, il plonge alors dans les tarifs libres et il lui est impossible de revenir en arrière.
Et il y a des pièges ! Ainsi, EDF et GDF ont eux-mêmes des tarifs libres, à côté de leurs tarifs réglementés, car elles sont également des entreprises concurrentes des autres fournisseurs. Si un client se laisse séduire par une offre apparemment alléchante de Gaz de France de lui vendre de l'électricité en plus du gaz, il changera de contrat et sera dès lors dans les tarifs libres. Et la réciproque est vraie pour EDF.
Autre piège : un logement dont les fournitures de gaz et d'électricité sont passées en tarif libre y restera, même en cas de changement de propriétaire ou de locataire. Les nouveaux locataires devront donc se méfier ! Il n'est pas impossible qu'on assiste durant quelques mois ou même quelques années à une certaine baisse des tarifs. C'est ce qui s'était passé au début de l'ouverture du marché aux gros industriels. Cela avait achevé de vaincre la méfiance de certains d'entre eux. Mais depuis, les tarifs des très gros consommateurs ont augmenté d'environ 60 % !
Cependant, même si quelques milliers de clients se laissent ainsi piéger, ce sera sans doute peu de chose au regard des millions de consommateurs d'EDF et de GDF.
Le plus gros risque n'est probablement pas là, mais plutôt dans le fait que les directions d'EDF et de GDF, et elles n'en font pas mystère, souhaitent augmenter les tarifs beaucoup plus vite que ce que l'État autorise pour le moment. L'État, principal actionnaire d'EDF et de GDF mais aussi bénéficiaire des hausses des prix, est donc partagé entre l'intérêt de renflouer un peu ses comptes et l'impopularité qui en résulterait. Mais cela ne durera peut-être pas.
La tentation est de s'aligner sur les tarifs européens, bien plus élevés, comme le demandent d'ailleurs les dirigeants de Bruxelles. Marcel Boiteux, ancien directeur d'EDF-GDF, et aujourd'hui président d'honneur d'EDF, vient d'écrire ces lignes : « Avec la suppression des tarifs régulés que demande Bruxelles, il ne s'agit donc plus, comme on pouvait le croire initialement, d'ouvrir la concurrence pour faire baisser les prix, mais d'élever les prix pour permettre la concurrence ». EDF pourrait pratiquer des prix beaucoup plus bas que les autres fournisseurs et ainsi les éliminer du marché. Mais la logique choisie est à l'opposé : protéger des petits fournisseurs très chers pour tendre à aligner les tarifs sur les leurs. Ce qui n'est rien d'autre que contribuer à soumettre le marché de l'électricité qui touche les besoins élémentaires de toute la population, à la logique du profit.