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Tribune de la minorité
Le temps des manoeuvres
Comblés les éléphants et autres jeunes lions (c'est eux qui le disent !) du PS qui s'étaient succédé entre les deux tours des législatives pour demander au peuple de les élire en nombre afin de s'opposer à la « vague bleue » et ne pas donner tous les pouvoirs à Sarkozy ! Néanmoins, c'est avec modestie qu'ils ont accueilli la quarantaine de députés supplémentaires inespérés : il est plutôt question d'utiliser le parlement pour discuter courtoisement que s'opposer férocement ; plutôt question de moderniser le parti que d'en faire un instrument de combat ; plutôt question de préparer 2012 que les luttes qui vont être nécessaires dans les mois qui viennent. Pas envie d'être mis au pied du mur, les dirigeants du PS ! C'est même avec un intérêt amusé plutôt que de l'indignation qu'ils accueillent le retournement de veste de leurs amis politiques (après Éric Besson, Martin Hirsch et Bernard Kouchner, voilà Jean-Marie Bocquel et Fadela Amara...) qui entrent au service de la politique de Sarkozy.
Certes, il faut se garder de trop prendre au sérieux les annonces (aussi bien de nominations que de projets de lois) de ces premières semaines du quinquennat Sarkozy. Elles ne reflètent sans doute que partiellement la politique qui sera menée par la suite. Dans la perspective des législatives, il s'agissait d'abord de gestes symboliques envers les différentes composantes de l'électorat.
Les cadres aisés, petit patronat et - mais ce sont souvent les mêmes - détenteurs de gros patrimoines, ont eu leur compte de promesses : déductions fiscales diverses (sur les intérêts d'emprunts immobiliers, sur les successions), réduction des cotisations patronales. À l'intention d'une partie des couches populaires, celle qui est sensible à la démagogie sécuritaire et xénophobe de l'extrème droite, le gouvernement a communiqué sur ses objectifs en matière d'expulsions d'étrangers en situation irrégulière, sur le regroupement familial ou sur les peines plancher.
Et pour tous, le gouvernement a repris à son compte la tactique très prisée de Chirac consistant à marteler ses bonnes intentions sur des thèmes consensuels (handicap, sécurité routière, illettrisme). Cette fois-ci, c'est sur la défense de l'environnement et le « développement durable » que l'accent a été mis -en paroles bien sûr.
Mais c'est surtout le terrain social, où se préparent les véritables attaques, que le nouveau président et son équipe ont commencé à baliser. Que Sarkozy ait reçu les confédérations syndicales aussitôt après son investiture n'annonçait déjà rien de bon d'autant que celles-ci ont semblé se prêter assez facilement au jeu, en dépit de la forte hostilité à Sarkozy qui anime les milieux militants. Plus récemment, ce sont les syndicats enseignants qui ont été appâtés. Alors que Darcos, le nouveau ministre de l'Éducation, s'apprêtait à publier l'abrogation des décrets de Robien (une concession certes puisqu'ils allongeaient les horaires de travail et réduisaient les traitements des enseignants), Sarkozy recevait lui-même les fédérations enseignantes à l'Élysée. La manoeuvre n'a pas manqué son but : à la sortie, à la FSU (« on est satisfait en ce sens que nous avons obtenu les réponses que nous attendions sur les questions urgentes » bien que « des questions subsistent pour l'avenir »), comme à l'UNSA : (« Le président a montré son engagement personnel et solennel sur l'Éducation »), on se félicitait. Espérons que, contrairement à leurs dirigeants syndicaux, les enseignants eux-mêmes n'oublient pas que la droite compte bien réaliser d'importantes économies sur les dépenses de personnel dans l'Éducation, un des postes budgétaires les plus importants qu'elle puisse encore comprimer, comme le rapport Darcos de mars 2007 le propose explicitement.
En fait durant cet intermède électoral, le gouvernement s'est surtout bien gardé de trop s'avancer sur les questions qui pourraient lui valoir des retours de bâtons, notamment le contrat de travail unique ou les régimes spéciaux de retraite, qu'il a préféré remettre à plus tard. Bien lui en a pris d'ailleurs puisque la seule évocation de la TVA sociale (qui finalement ne serait, voyez-vous, que « mise à l'étude ») aurait suffi, selon bien des commentateurs, à provoquer le relatif revers essuyé par la droite au second tour des législatives.
Les bureaux de votes fermés et les panneaux officiels repliés, il est plus que temps de ranger au placard les préoccupations électorales (ne nous parle-t-on pas déjà d'une revanche possible pour la gauche aux municipales de l'année prochaine !) pour celles et ceux qui comptent s'opposer aux mesures réactionnaires de Sarkozy et Fillon. Le jeu d'apaisement et de séduction que ceux-ci déploient actuellement vis-à-vis des syndicats ne reflète qu'une chose : leur peur de réactions de grande ampleur du monde du travail.
Il va s'agir de leur donner raison...
Julien FORGEAT
Convergences Révolutionnaires n° 51 (mai-juin 2007) Bimestriel publié par la Fraction
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