Le 1er juin, un navire militaire français repêchait en Méditerranée, à 100 milles nautiques au sud de Malte, dix-huit corps que les marins ont ramenés quelques jours plus tard à Toulon.

Difficiles à identifier après un séjour de plusieurs jours dans l'eau de mer, les corps sont ceux de quatorze hommes, dont deux adolescents, et de quatre femmes. Les marins ne sont d'ailleurs pas sûrs d'être parvenus à retrouver tous les corps flottant dans la zone.

Le commandant de la frégate estime que ces corps " sont vraisemblablement ceux de personnes d'origine africaine, compte tenu des bouts de papiers plus ou moins lisibles qu'on a retrouvés sur eux ". Selon la préfecture maritime, il s'agirait " de migrants tentant de regagner l'Europe ". Peut-être même de quelques-uns des 53 immigrants photographiés le 21 mai par un avion militaire maltais, sur un esquif surchargé, et disparus plus tard sans que les vedettes maltaises ne retrouvent trace de l'embarcation. Ou ceux de la barque à moteur, en provenance des côtes nord de l'Afrique, qui a coulé mi-mai dans le même secteur, ne laissant qu'un survivant sur les 28 passagers.

Les naufrages sont fréquents au large de Malte, de la Sicile ou des côtes espagnoles, et un grand nombre de malheureux perdent la vie en tentant, poussés par la misère, de venir chercher du travail en Europe. Combien ? Certaines associations parlent de plusieurs milliers de disparus en mer en quelques années.

Et parmi ceux qui sont partis, certains ne donneront pas de nouvelles à leur famille, comme le disent les mères de jeunes Sénégalais, qui voient leurs garçons partir, entassés sur une pirogue, vers l'Espagne, parfois après les avoir encouragés et même avoir financé leur départ, déboursant en moyenne 600 000 francs CFA (environ 915 euros). Dans le village de pêcheurs de Thiaroye par exemple, au sud de Dakar, il n'y a presque plus de pêche artisanale et les mères, ouvrières dans l'usine de poissons, ont perdu de nombreux enfants en mer, " pour qu'il travaille, puisqu'il ne peut pas travailler ici ", disait l'une d'elles dans un récent reportage. Mais les obstacles sont terribles : la navigation sur des barcasses surchargées, avec, pour ceux qui arrivent, quel accueil, quelles conditions de travail ?

Si l'identité des malheureux noyés est délicate à trouver, celle des responsables de cette situation, globalement, ne l'est pas. Car au-delà des passeurs qui s'enrichissent sur leur misère, voire participent ainsi au blanchiment d'autres trafics, il y a les tenants d'un système social qui assoit la richesse d'une minorité de milliardaires sur la misère grandissante d'une immense majorité de travailleurs et de pauvres des cinq continents.