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Italie : La "défense de la famille", un thème bien réactionnaire qui fait recette
Des centaines de milliers de personnes ont défilé samedi 12 mai à Rome, à l'appel des associations catholiques, pour une journée qui se voulait celle de la défense de la famille. Mais le véritable objectif était d'abattre définitivement le projet du gouvernement de centre gauche de Romano Prodi d'établir un Pacs à l'italienne pour lequel seuls quelques milliers de personnes ont manifesté au même moment dans un autre quartier de la ville.
Le projet, sous le nom de " Dico ", pour " droits des concubins " (" diritti e doveri delle persone stabilmente conviventi ") avait déjà bien du plomb dans l'aile. Il n'avait été avancé par Prodi, durant la campagne électorale de l'an dernier, que sous une forme bien vague. Il précisait seulement que les unions de fait seraient reconnues et considérées indépendamment du sexe et de l'orientation sexuelle, autrement dit que les droits des couples homosexuels seraient reconnus.
Ce programme déjà flou au départ n'a fait que s'estomper encore plus depuis que le gouvernement Prodi est en place. Non seulement la coalition de centre gauche n'a gagné les élections du printemps 2006 que d'un cheveu, mais depuis son installation elle est en butte aux campagnes de l'Église contre tout ce qui lui semble porter atteinte aux traditions catholiques du pays.
Or, cette coalition comporte elle-même une forte composante catholique, à commencer par Prodi lui-même, qui est démocrate-chrétien. Contre ces campagnes, les partis dits laïques de la coalition comme les DS (les démocrates de gauche, issus de l'ancien Parti communiste italien) n'ont pas montré la moindre combativité, se déclarant prêts à tous les compromis pour ne pas heurter la sensibilité catholique... et surtout pour ne pas s'aliéner le soutien ou la neutralité d'un certain nombre de groupes de pression ou de parlementaires qui s'en réclament. On vient d'ailleurs d'annoncer la formation du " Parti démocrate ", issu de l'union des DS avec " la Marguerite ", regroupement de politiciens en grande partie démocrates-chrétiens ; les DS n'ont aucune envie de compromettre cette unité, qui vise à garantir leur place sur l'échiquier politique, simplement pour la défense des " Dico ".
Le projet de loi, malgré tout en discussion, ne fait que reconnaître aux couples, après trois ans de vie commune, quelques droits bien élémentaires. Il s'agit, par exemple, de la transmission du contrat de location en cas de mort du conjoint, de la prise en compte de l'existence du couple en cas de mutation professionnelle, ou bien pour les successions, mais dans ce cas après neuf ans de vie commune. Il n'en faut cependant pas plus pour que l'Église, le Pape, les évêques et les associations catholiques sortent l'étendard de la lutte contre ce qu'ils présentent comme une atteinte intolérable à la famille, piédestal de la société telle qu'ils la conçoivent.
Évidemment, les partis de droite de la coalition de Berlusconi, vaincue aux dernières élections, ont enfourché eux aussi ce cheval de bataille, abattant rapidement les réticences d'un certain nombre de ses politiciens se définissant comme " laïques ". Une partie de ceux de centre gauche, eux aussi au nom de leur sensibilité catholique, se sont joints au flot. La manifestation du 12 mai, sous l'étendard d'une défense de la famille que pourtant personne n'attaque, a ainsi pu prendre la forme d'un grand rassemblement bien réactionnaire contre une des seules, et bien timide, tentatives de réforme de société du gouvernement Prodi.
Celle-ci a donc désormais toutes les chances d'être mise définitivement au placard ; au contraire de toutes les autres " réformes " promises par le gouvernement Prodi, mais qui elles vont dans le sens de ce que souhaite le patronat. Par exemple, la réforme des retraites qui devrait aboutir à augmenter l'âge du départ et à diminuer les pensions. Le " changement " promis par Prodi après cinq ans de Berlusconi sera de plus en plus à rechercher à la loupe.