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- Lutte ouvrière n°2015
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Editorial
Les adieux de Tartuffe : Poudre aux yeux et gros mensonges
" J'aurais voulu, bien sûr, bousculer davantage les égoïsmes pour répondre plus vite aux difficultés que connaissent certains d'entre vous ", a fait semblant de regretter Chirac, lors de son intervention télévisée où il a confirmé qu'il ne serait pas candidat lors de la prochaine élection présidentielle. Cela ne l'a pas empêché de se déclarer " fier " d'une réforme des retraites qui contraint les salariés à prendre leur retraite plus tard, avec des pensions largement amputées. " Fier " aussi de l'action qui aurait été menée contre le chômage sous sa présidence, alors que les services statistiques officiels n'osent même pas en publier les chiffres avant les élections, tant ils contredisent les affirmations du gouvernement.
Chirac n'a pas lésiné sur les déclarations d'amour aux " Français ". Il en a bien servi certains, c'est vrai : les riches, objet de toutes ses attentions, qui ont vu les revenus de leurs paquets d'actions s'envoler et leurs impôts baisser.
Mais la population laborieuse n'a aucune raison d'être reconnaissante à Chirac du bilan de ces douze années. Son niveau de vie a régressé, du fait de la stagnation des salaires et de la hausse du coût de la vie. Des centaines de milliers de licenciements et de suppressions d'emplois ont nourri le chômage et l'ont maintenu à un niveau catastrophique. Conséquence de ces réductions d'effectifs, ceux qui ont conservé leur emploi ont vu augmenter considérablement les charges de travail. Les emplois précaires et les temps partiels imposés se sont multipliés. La baisse du niveau de vie et la spéculation immobilière ont conduit à une crise du logement qui a ramené le pays au niveau de l'immédiat après-guerre, et qui fait que dans la France de 2007 des milliers de salariés sont obligés de vivre dans la rue, et des millions de personnes de vivre dans des locaux et des conditions indignes de notre époque.
Voilà le résultat d'une politique tout entière au service du grand patronat et de la fraction la plus riche de la population.
Mais ce bilan n'est pas seulement celui de Chirac et de la droite. De 1997 à 2002, il y a eu la " cohabitation ", un gouvernement de gauche, dirigé par Jospin, avec la participation de ministres communistes, dont Marie-George Buffet. Et la politique de ce gouvernement a été si peu différente de celle de la droite, qu'à l'élection présidentielle de 2002 la gauche a perdu quatre millions de voix, ce qui a permis à Le Pen d'être présent au deuxième tour. Et plutôt que de s'interroger sur les raisons de cette défaite, la gauche a préféré appeler à voter Chirac (qui n'avait pas besoin de ses voix pour être sûr de l'emporter), lui donnant ainsi la possibilité de dire que la politique qu'il menait, il la menait avec le soutien de 82 % des électeurs.
Alors, quand Ségolène Royal déclare, après l'intervention de Chirac, qu'" une nouvelle page va s'ouvrir ", mais après avoir salué " la dignité d'intervention du chef de l'État ", on peut s'interroger sur ce que sera le contenu de cette " nouvelle page " si elle est élue. Car Ségolène Royal ne propose aucune mesure capable de combattre efficacement la baisse du niveau de vie, le chômage et la crise du logement qui résument le bilan des deux mandats de Chirac.
Sarkozy à l'Elysée ce serait un Chirac-bis, l'arrogance en plus, ne cachant même pas que son objectif est de restreindre encore les droits des travailleurs pour satisfaire le grand patronat.
Mais s'il faut voter contre Sarkozy, il faut aussi dire par notre vote que nous exigerons du nouveau gouvernement qu'il prenne rapidement des mesures concrètes pour relever les salaires et les retraites, pour créer des emplois, et pour mettre en chantier les centaines de milliers de logements décents et abordables qui manquent actuellement.
C'est pour permettre aux travailleurs d'exprimer cette exigence que je me présente à cette élection.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 12 mars