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Dans les entreprises
Technocentre de Renault (Yvelines) : Après les suicides des mots mais pas de moyens
Après le suicide du salarié du Technocentre survenu le 16 février, Carlos Ghosn, président de Renault, a réuni la majorité des responsables de l'encadrement du Technocentre jeudi 1er mars. L'heure est à la communication : la direction de Renault tient à restaurer son image.
Sur le site du Technocentre, l'émotion est forte. C'est le quatrième suicide en deux ans et demi, les trois derniers s'étant produits depuis octobre 2006. Le vendredi 23 février, environ 1 500 salariés se sont rassemblés à l'appel de tous les syndicats pour rendre hommage au collègue qui vient de se suicider. Mille cinq cents, c'est beaucoup.
Dans ce milieu composé pour plus de la moitié de cadres, les appels syndicaux sont souvent peu suivis. Mais depuis quinze jours, partout, on discute de l'ambiance dans les services. Ce que chacun croyait propre à son secteur apparaît comme général. Partout, il faut coûte que coûte tenir les délais. Un chef déclarait il y a plusieurs mois, lors d'une réunion : « Un projet-véhicule, c'est comme le TGV. On prend tous le train ensemble et personne ne doit rester sur le quai. » Tout est fait pour culpabiliser les salariés, quels que soient leur niveau et leur secteur. Des réunions plusieurs fois par semaine sont organisées, en plus du travail, pour rendre compte de celui-ci. Et le stress se communique ainsi à tous les échelons.
Le collègue qui s'est suicidé était en passage cadre. Il devait « faire ses preuves » aux yeux de la direction, dans le contexte du Contrat 2009 pour lequel Ghosn a exigé la sortie de 26 nouveaux véhicules d'ici deux ans.
Et c'est bien là qu'est le problème : pour atteindre cet objectif, les effectifs n'ont pas été revus à la hausse. Et les salariés partis en retraite n'ont pas tous été remplacés. Les délais de développement des véhicules ont été raccourcis depuis trois ans et il faut faire de plus en plus d'économies.
Suite à l'émotion suscitée par ce dernier suicide, la direction a mis en place une cellule de soutien psychologique avec un numéro de téléphone et elle envisage de créer un numéro vert interne « utilisable par tout salarié ressentant le besoin d'être écouté ». Des formations sont prévues pour les chefs sur la gestion du stress et, pour les responsables des Ressources humaines, des séances de formation à la « prévention et l'aide à apporter aux personnes en difficulté ». Depuis une quinzaine de jours, l'attitude de certains chefs a un peu changé : les pressions se font plus discrètes. Le 1er mars, lorsque Ghosn a réuni l'encadrement, il a d'ailleurs bien insisté sur l'idée qu'il fallait respecter les horaires et ne pas exiger un nombre trop grand d'heures supplémentaires.
Quant à remettre en cause les objectifs du plan 2009, il n'en est évidemment pas question. Aucun moyen supplémentaire n'est envisagé pour que l'on puisse travailler de manière plus sereine. Et il semble bien que tout ce que la direction met en place aujourd'hui vise à gommer l'impression désastreuse produite par Renault et par Ghosn lui-même, ces derniers mois, à l'intérieur et surtout à l'extérieur de l'entreprise.