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Dans le monde
Le naufrage du MSC Napoli : Vaisseaux fantômes et vrais profits
Le porte-conteneurs MSC Napoli, pris dans la tempête à l'entrée de la Manche la nuit du mercredi au jeudi 18 janvier, a été abandonné par son équipage et pris en charge par des équipes de secours spécialisées. Le gouvernail bloqué, l'eau pénétrant par des fissures de plusieurs mètres, il commençait à s'enfoncer par l'arrière. Les remorqueurs de haute mer n'ont pas pu le tirer jusqu'à un port et l'ont finalement échoué sur un haut-fond, dans une baie protégée des vents dominants, à deux kilomètres des côtes anglaises.
Ce navire de 275 mètres était chargé de 2394 conteneurs dont 1700 remplis de produits classés dangereux: des explosifs, du gaz comprimé ou inflammable, des pesticides, des engrais, de l'acide, etc. Quelques conteneurs ont été perdus dans la Manche et flottent entre deux eaux dans le chenal le plus fréquenté du monde, représentant un réel danger pour la navigation. Il a donc fallu envoyer des avions pour les repérer, puis des bateaux pour les récupérer. La manoeuvre devient habituelle, car les porte-conteneurs font fréquemment valser à la mer quelques conteneurs en cas de coup de vent. Les boîtes sont empilées tellement haut sur le pont des navires que ces derniers deviennent quasiment aveugles et que l'équipage ne peut même pas s'apercevoir qu'un conteneur est tombé à la mer.
Plus de cent autres conteneurs sont passés par-dessus bord lors de l'échouage ou depuis. Si certains, échoués sur les plages anglaises, font le bonheur des riverains, d'autres peuvent recéler des produits toxiques.
Mais surtout, si le navire se casse en deux comme il menace de le faire, il laissera échapper non seulement toute sa cargaison, mais encore les 3500 tonnes de carburant contenues dans ses soutes. Celui-ci commence d'ailleurs à s'écouler par les fissures et l'épave est entourée d'une nappe de pétrole...
Les autorités se montrent rassurantes et affirment qu'il est possible d'éviter une pollution majeure et l'éparpillement de produits dangereux en déchargeant rapidement le navire. Mais le Rokia Delmas, un bâtiment d'une taille comparable, est échoué depuis le 24 octobre devant l'île de Ré et on en est encore seulement à l'appel d'offres pour trouver une compagnie capable de le décharger sans trop de dégâts, puis de le renflouer ou de le dépecer sur place. Il n'est en effet pas simple de faire arriver en pleine mer une grue capable d'enlever un conteneur de trois tonnes et de la stabiliser près d'une épave, ni de travailler sur un bateau dont les soutes sont noyées et qui, dans le cas du MSC Napoli, risque de s'ouvrir en deux à tout moment.
Les fissures apparues dans la coque du MSC Napoli ne peuvent être une surprise ni pour son affréteur (le deuxième mondial dans le transport de conteneurs), ni pour son propriétaire (qui possède 155 autres bateaux): le navire avait talonné à pleine vitesse sur un haut fond dans le détroit de Malacca en 2001. Il était resté échoué pendant deux mois, avant d'être réparé sur place. L'avarie devait être sérieuse, car il avait fallu remplacer 3000 tonnes de tôles et il semble bien que les fissures actuelles soient apparues au niveau des réparations.
Malgré tout, chargé de conteneurs sur six étages au-dessus du pont et embarquant des matières dangereuses, le MSC Napoli a continué à naviguer... jusqu'au naufrage.
Car, sur la mer comme à l'usine, les patrons usent le matériel jusqu'au bout. Au péril de la vie des travailleurs et aux frais de toute la société.