«L'armée de terre, premier partenaire des jeunes pour l'emploi», peut-on lire sur son site. Le 22 janvier, elle a lancé en effet une grande campagne de recrutement. Elle a 13 000 postes à pourvoir, ce qui -excusez du peu!- représente près de 10% de ses effectifs actuels (134 000 hommes et femmes).

Et elle ne lésine pas sur les moyens pour faire savoir que, «de cuisinier à pilote d'hélicoptère», c'est près de 400 métiers pour lesquels elle recrute des militaires. Clips télé, spots radios, pages sur Internet, deux films «rythmés par les "riffs punchy" des "Go Go Charlton"», précise le capitaine-rédacteur du site de l'armée de terre. Ça va décoiffer sous les képis!

Bien sûr, pour certains jeunes sans emploi, «de sans-qualification à Bac+5», comme elle dit, cela peut paraître une aubaine. Surtout quand les sergents-recruteurs expliquent que 50% environ des formations proposées seraient transposables dans le civil... et quand on sait, précisément, que dans le civil les embauches ne courent pas les rues. À commencer par la fonction publique.

S'il est une chose que prouve cette campagne de recrutement, c'est d'abord que l'État sait quand même trouver de l'argent pour embaucher.

Cela fera plaisir de l'apprendre aux dizaines de milliers d'enseignants qui manifestaient, encore samedi 20 janvier, pour dénoncer entre autres les classes surchargées, alors qu'on supprime des milliers de postes dans l'Éducation nationale! Ou encore aux infirmières, aides-soignantes et autres personnels du CHU de Rouen qui ont, mercredi 17 janvier, convoqué la presse et France 3 pour dénoncer les conditions de travail et d'hospitalisation dans le plus grand hôpital de Normandie. Faute de lits et de personnel, des patients des urgences sont laissés pendant des heures, voire des jours, dans des couloirs; le personnel soignant en nombre insuffisant ne sait plus où donner de la tête; pour 60000 passages aux urgences, il n'y a... qu'un médecin, etc.

Alors, bien sûr qu'il y a plus urgent qu'embaucher dans l'armée. Il y a même une urgence dramatique à embaucher, partout, des infirmières, des instituteurs, mais aussi des postiers, des conducteurs de transports en commun... Bref, c'est dans les services publics utiles à la population qu'il faut embaucher, plutôt que dans l'armée qui -quoi que prétende sa campagne actuelle de communication et de recrutement- quand elle sert, soutient surtout des dictateurs en Afrique.