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- Lutte ouvrière n°2005
- L'exécution de Saddam Hussein.
Dans le monde
L'exécution de Saddam Hussein.
Pendu pour faire, un peu, oublier l'occupation criminelle et le pillage de l'Irak
C'est avec un sentiment de malaise, voire un certain dégoût, qu'a été accueillie ici en France la nouvelle de la pendaison de Saddam Hussein. Et ce n'est évidemment pas par sympathie pour l'ex-dictateur de l'Irak, lui qui a exercé contre son peuple, pendant près de trente ans, une répression féroce, dont les victimes se chiffrent par dizaines de milliers.
Mais il est évident que la mascarade de ce procès et de l'exécution, qui était programmée avant l'ouverture de celui-ci il y a quatorze mois, a été de bout en bout l'oeuvre du gouvernement américain et de son armée d'occupation. D'ailleurs Saddam Hussein était entre les mains de l'armée américaine et sous son seul contrôle depuis plus de trois ans. Cette dernière n'a accepté de le confier aux autorités irakiennes "légalement constituées" que quelques heures avant l'exécution. C'est dire la confiance que l'armée américaine porte à ses protégés irakiens qui ont seulement eu le droit de prononcer le verdict qu'on attendait d'eux et ensuite de procéder à l'exécution voulue par Bush et ses sbires.
"La mort de Saddam Hussein... marque une étape importante sur la route de l'Irak vers la démocratie" , voilà la déclaration dont a osé se fendre le président américain, obligé tout de même de préciser "que cela ne mettra pas fin aux violences" , ce qu'il faut traduire par : ce qui ne mettra pas fin au maintien de l'intervention américaine.
L'enfant gâté des puissances impérialistes.
Saddam Hussein a donc été exécuté pour la mort de 142personnes dans un village. C'est ce qui a permis de faire silence sur tout le reste, en particulier les centaines de milliers de morts dont il s'est rendu coupable, mais cette fois en tant qu'agent direct et officiel de l'impérialisme, américain certes, mais aussi français. Car en réalité ce que Bush, Blair et aussi Chirac, et avant lui Mitterrand, ont reproché à Saddam Hussein, c'est d'avoir voulu demander en 1990 la juste récompense de ses bons et loyaux services en envahissant le Koweit. Saddam Hussein est venu au pouvoir en Irak, par des intrigues et des coups de force et avec le soutien des représentants de l'impérialisme. Il a collaboré avec le shah d'Iran et les Américains pour conduire une répression féroce contre les Kurdes. Après la révolution islamiste en Iran et la politique anti-américaine de Khomeiny, il a, avec l'appui total, militaire et financier, de tous les grandes puissances impérialistes et de leurs soutiens arabes, déclenché en 1980 une guerre contre l'Iran. Officiellement pour des revendications territoriales, mais avec le but à peine caché de faire tomber le régime iranien. Une guerre qui a duré huit ans et aura coûté un million de morts, d'abord iraniens mais aussi irakiens.
Pendant tout ce temps, Saddam Hussein a pu assassiner sans retenue ses opposants, au su et au vu de tout le monde, il était, à l'époque, le "défenseur de la démocratie et du monde libre" , face à la barbarie iranienne.
Le crime du protégé : se mettre à son compte.
Et même après leur première intervention en 1991, après que Saddam Hussein avait voulu recevoir ses gages en envahissant le Koweit, ces puissances impérialistes ont maintenu le dictateur en place. Pendant douze ans, c'est au seul peuple irakien qu'ils ont déclaré la guerre avec l'embargo qui fit des centaines de milliers de victimes. Ce sont tous ces épisodes-là que les grandes puissances, dont la France, ne voulaient pas voir évoqués dans un procès. Elles ont préféré une caricature de procès sur des accusations très limitées, avec en passant trois avocats de Saddam Hussein qui furent successivement assassinés. Ce qui permettait une exécution rapide, coupant court à tout nouveau procès susceptible de mettre la lumière sur leur complicité et leur entente ouverte ou de fait avec Saddam Hussein pendant des dizaines d'années.
Si Bush et ses alliés ont envahi à nouveau l'Irak en 2003, ce n'est certainement pas pour y "rétablir la démocratie" , mais pour satisfaire leur appétit pour les puits de pétrole irakien. Voilà pourquoi le sort de Saddam Hussein était scellé.
L'ordre impérialiste : c'est la barbarie, pas la démocratie.
Certes il a pu y avoir des pauvres des quartiers chiites d'Irak ou encore des Kurdes dont les parents ont été gazés et exterminés sans pitié, pour se réjouir de la mort du dictateur. Mais ceux qui ont ordonné cette exécution, comme ceux qui l'ont accomplie sont leurs pires ennemis et leurs futurs massacreurs. Quant au silence gêné des autorités françaises, qui n'ont pu qu'évoquer, à la suite de cette exécution, leur opposition à la peine de mort, il cache mal la complicité de l'impérialisme français dans la tragédie subie par le peuple irakien. La prétendue justice qui a été appliquée en Irak c'est la loi du plus fort, la dictature de cet impérialisme qui impose son ordre à la multitude des opprimés, en Irak, certes, mais bien ailleurs aussi. C'est cet ordre-là qui est criminel, et au bout du compte le responsable de tous les forfaits, ceux de Saddam Hussein comme ceux de ses bourreaux.