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- Lutte ouvrière n°2005
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Dans le monde
Espagne : Après l'attentat de Madrid-Barajas, trois impasses politiques.
La bombe qui a explosé le 31 décembre dans un parking de l'aéroport de Madrid, après une trêve de plusieurs mois respectée par l'ETA, a bruyamment replacé le problème basque au premier plan de l'actualité espagnole. C'est sans aucun doute ce que recherchaient les auteurs de cet attentat.
Comme toujours, avec ce type d'action, on pourrait se poser bien des questions sur l'identité de ceux-ci : serait-ce la direction de l'organisation nationaliste basque qui a décidé cette opération pour exercer une pression sur un gouvernement accusé de ne pas avoir fait un seul geste pour faire avancer le processus de paix, ou bien des éléments plus ou moins incontrôlés de la mouvance nationaliste basque... ou encore des provocateurs d'extrême droite visant à déstabiliser le gouvernement socialiste de Zapatero, qui était censé être engagé dans un processus de paix ? Mais les déclarations de l'organisation Batasuna, qui est le porte-parole de fait de l'ETA, ne laissent guère de place au doute. Son porte-parole n'a rien fait pour se démarquer de cet acte de terrorisme. Il s'est certes déclaré solidaire de toutes les victimes de l'attentat, mais sans condamner celui-ci, et en ajoutant seulement qu'il n'y avait pas de raison pour qu'il mette un terme aux contacts entre ETA et le gouvernement.
Mais en guise de pression sur le gouvernement socialiste, les auteurs de cet attentat ont surtout apporté de l'eau au moulin de la droite. Depuis des mois, le PP (Parti Populaire) mène campagne contre toute mesure visant à permettre à terme la légalisation des indépendantistes basques, voire tout simplement à améliorer les conditions de détention des prisonniers politiques basques.
Pour ce parti dont les cadres fondateurs sortaient tout droit du personnel politique franquiste, les choses sont simples : l'ETA est une organisation criminelle, avec laquelle aucune discussion n'est possible, et qui doit être traitée avec toute la rigueur de la loi. Que le problème basque soit un problème directement hérité de la violence de la répression franquiste, que le courant indépendantiste représente au Pays Basque une fraction importante de l'électorat, n'a pour ces gens-là aucune importance.
À la suite de l'attentat de Barajas, le PP s'est d'ailleurs empressé d'appeler à manifester dans les grandes villes d'Espagne, non seulement contre l'ETA, mais en réclamant la démission du gouvernement Zapatero.
Ces pressions ne sont pas restées sans effet. Si Zapatero avait déclaré qu'il gelait un "processus" de toute façon immobile, son ministre de l'Intérieur a très vite déclaré que le processus était mort et enterré. Si les conversations entre l'ETA et le gouvernement ont tant traîné en longueur, c'est aussi parce que ce dernier, devant cette pression de la droite et de la partie la plus réactionnaire de l'appareil d'État, n'a jamais osé prendre le taureau par les cornes.
Les gouvernements socialistes qui s'étaient succédé entre 1982 et 1996, sous la direction de Felipe Gonzalez, avaient mené une politique marquée par la signature avec la droite d'un "pacte antiterroriste" , et l'utilisation d'un terrorisme d'État qui se solda par une trentaine d'assassinats de militants basques... sans bien évidemment faire avancer d'un pas la recherche d'une solution au problème basque.
Depuis le retour du Parti Socialiste au pouvoir en 2004, Zapatero a fait mine de s'orienter vers une autre politique. Mais pour pouvoir vraiment la mener, il faudrait être capable de faire ce qui répugne à la social-démocratie : affronter la droite. Et dans ce drame à trois qui se joue en Espagne, il est bien difficile de savoir qui professe le plus grand mépris pour les intérêts des populations : des poseurs de bombes de l'ETA, des va-t-en guerre du PP, ou des politiciens veules du Parti Socialiste.