Le premier janvier 1957, la Sarre intégrait la République fédérale allemande. C'était l'épilogue d'une longue série de tentatives de la France, après les Première et la Deuxième Guerres mondiales, de mettre la main sur certains territoires de l'Allemagne occidentale.

En 1919, lors des négociations qui aboutirent au traité de Versailles, la France, rêvant d'en faire un État satellite, avait réclamé que toute la rive gauche du Rhin soit séparée de l'Allemagne. Mais elle s'était heurtée au véto de la Grande-Bretagne et des USA, et avait dû se contenter de l'occupation (qui se prolongea jusqu'en 1930) de toute la rive gauche du Rhin, et de se voir confier pour quinze ans, par la SDN (l'ancêtre de l'ONU), l'administration de la Sarre, avec la propriété des mines de charbon.

En 1923, sous prétexte que l'Allemagne en pleine crise économique ne réglait pas en temps et en heure les "dettes de guerre" imposées par ce même traité de Versailles, l'armée française occupa la Ruhr en janvier 1923, et n'évacua totalement celle-ci qu'en juillet 1925. En octobre 1923, la France avait suscité dans sa zone d'occupation la naissance d'un "Gouvernement provisoire de la République rhénane" , qui, devant l'hostilité de la population, dut se dissoudre un mois plus tard.

Les prétentions françaises sur la Sarre furent déçues une première fois, en 1935, quand au référendum prévu par la SDN la grande majorité de la population opta pour le retour à l'Allemagne.

Mais en 1945 les ambitions françaises réapparurent. La France réclama que la Ruhr soit détachée de l'Allemagne. Mais elle pesait alors trop peu pour obtenir satisfaction, et dut une nouvelle fois se contenter de l'administration de la Sarre comme lot de consolation. En 1950, le gouvernement sarrois "autonome" céda pour cinquante ans ses charbonnages à la France. Mais dans cette Europe occidentale dans laquelle les bourgeoisies des six commençaient à envisager la création d'un "marché commun" , le problème sarrois constituait une pomme de discorde qu'il convenait d'éliminer. Un statut de compromis élaboré par Mendès-France et Adenauer ayant été repoussé par référendum par la population sarroise en octobre 1955, la France dut se résoudre, en octobre 1956, à laisser la Sarre réintégrer l'Allemagne, ce qui fut fait le premier janvier 1957. Trois mois plus tard, la signature du traité de Rome consacrait la naissance de la "Communauté économique européenne" .

Mais l'histoire complexe des relations entre la Sarre et la France est là pour nous rappeler que dans les deux conflits qui opposèrent la France à l'Allemagne au XXe siècle, derrière les discours sur la "défense du droit et de la civilisation" lors du premier, ou sur la lutte contre le fascisme lors du second, se dissimulaient des appétits impérialistes.