Ceux qui n’ont même pas besoin de chercher en Suisse le paradis fiscal20/12/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2003.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Ceux qui n’ont même pas besoin de chercher en Suisse le paradis fiscal

La déclaration de Johnny Hallyday, annonçant qu'il partait en Suisse pour payer moins d'impôts, a fait parler. D'autant qu'avec un revenu estimé à plus de six millions d'euros par an, même après le paiement de ses impôts, il n'est pas à plaindre.

Les ténors de la majorité ont fait des déclarations gênées car le chanteur, après avoir été un fan de Chirac, a reporté sa ferveur sur Sarkozy. Une désertion fiscale ne fait pas joli dans le décor de la campagne électorale!

Et Villepin, puis le ministre de l'Économie, de se relayer pour s'étonner de ce déménagement en Suisse. Mais comment! Le gouvernement n'a-t-il pas pris des mesures pour alléger la fiscalité des plus hauts revenus? Il y en a eu, des mesures, et pas seulement sous le gouvernement actuel! Sur une vingtaine d'années, le taux d'imposition de la tranche supérieure des revenus a été abaissé de 65% à 40%, le nombre de tranches réduit de treize à sept puis à cinq. Chacune de ces mesures s'est traduite par une économie conséquente pour les quelques dizaines de milliers de personnes les plus riches du pays, parmi lesquelles Johnny Hallyday n'occupe qu'une place fort modeste. Si le cas des gens du spectacle (artistes, footballeurs, etc.) est le plus spectaculaire, ceux-là au moins font quelque chose pour gagner leur argent. Mais combien de grands bourgeois, de Michelin à Peugeot en passant par madame Bettencourt, propriétaire de L'Oréal, touchent des revenus autrement plus élevés sans même diriger leurs entreprises?

Ce sont ceux-là qui ont le plus profité de l'évolution fiscale des dernières années. Tout récemment, on a même inventé un «bouclier fiscal» à leur intention, qui impose une limite aux impôts divers cumulés par ces malheureux riches pour, paraît-il, leur éviter de déménager en Suisse, au Luxembourg ou aux Bahamas.

Ces mesures sont complétées plus discrètement par bien d'autres, comme par exemple le petit cadeau pour grand patron qui exonère de l'impôt sur la fortune 75% des actions détenues par les dirigeants d'entreprise.

À côté de ces cadeaux faits aux plus riches en tant que personnes, il y a la baisse continue de l'impôt sur le bénéfice des entreprises, qui est passé en vingt ans de 50% à 33%. Au total, l'impôt sur le revenu -le seul impôt plus ou moins proportionnel- ne représente qu'un cinquième des recettes. L'impôt sur le profit des entreprises, moins encore.

En revanche les impôts indirects, notamment la TVA, constituent la recette de loin la plus importante de l'État. Or la TVA est payée par tout le monde et au même taux. L'impôt qui rapporte le plus au budget est donc payé surtout par les salariés, les chômeurs, les retraités.

L'équation de la fiscalité capitaliste est simple. C'est le grand patronat, les gros possédants qui paient proportionnellement le moins d'impôts, alors que ce sont eux qui bénéficient le plus du budget de l'État.

Le gouvernement en place se vante d'avoir réduit les impôts, mais il n'a réduit que l'impôt des plus riches. Et à chaque annonce de réduction, c'est moins d'argent pour les services publics utiles à l'ensemble de la société.

Mais le PS propose-t-il réellement une autre politique fiscale? Son premier secrétaire, François Hollande, promet de remettre les impôts au niveau de 2002 et de supprimer le bouclier fiscal. C'est déjà ça! Encore faudrait-il que, si la candidate du PS est élue, elle respecte cette promesse! Mais il n'y a pas de promesse de revenir sur les baisses d'impôts consenties aux riches avant 2002 ni de relever l'impôt sur les profits, au moins jusqu'à son niveau antérieur de 50%.

Pourtant, il est impossible pour l'État de consacrer l'argent qu'il faut à l'Éducation nationale, aux transports publics, à la construction de logements corrects à la portée de salaires ouvriers, sans imposer davantage les revenus du capital et la fortune des plus riches.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 18 décembre

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