Belgique : Un pays qui n’a plus existé... pendant 32 minutes20/12/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2003.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Belgique : Un pays qui n’a plus existé... pendant 32 minutes

Mercredi 13 décembre, peu après le journal télévisé du soir, la chaîne publique francophone (RTBF) s'interrompait pour un direct dramatique sur la proclamation de l'indépendance unilatérale de la Flandre: «La Belgique en tant que telle n'existerait plus!» annonçait gravement le présentateur du journal télévisé.

Des reportages en direct suivaient: les tramways venant du côté francophone étaient contraints de s'arrêter à la frontière linguistique dans la banlieue de Bruxelles, et il fallait rejoindre à pied les tramways côté flamand; des interviews de personnalités se succédaient et, summum, on annonçait la fuite du roi en Afrique...

Ce «documentaire-fiction» n'était précédé que pendant quelques secondes par: «Ceci n'est peut-être pas une fiction». Ce n'est que trente-deux minutes plus tard qu'un bandeau permanent annonçait: «Ceci est une fiction». Dans un pays où la dérision est un art, les journalistes de la RTBF avaient frappé très fort... sur un sujet douloureux.

La majorité des Belges assistent depuis trente ans avec un sentiment d'impuissance au déchirement progressif du pays sous les coups de canif des politiciens, flamands mais aussi wallons. Peu l'approuvent, pas plus de 30% en Flandre d'après tous les sondages, et beaucoup moins en Wallonie. Et le prochain renouvellement des Chambres et des gouvernements en 2007 pourrait faire l'objet de nouveaux marchandages entraînant la partition de la Sécurité sociale et de la gestion du chômage, et encore plus d'autonomie administrative. Les seules compétences fédérales resteraient alors l'armée... et la liste civile de la famille royale.

Il n'y a plus d'émission de télévision commune aux chaînes des communautés flamande et française depuis plus de vingt ans. Il n'y a plus non plus de circonscription électorale commune, et le roi est le seul à tenir son statut de l'ensemble du pays, mais il n'est pas élu...

Avant que les investissements ne fassent passer la Flandre devant la Wallonie dans les années 1960, les travailleurs flamands devaient apprendre le français pour chercher du travail en Wallonie. Ce n'est plus le cas aujourd'hui et beaucoup d'ouvriers ne parlent plus que la langue de leur communauté. Seule Bruxelles, région statutairement bilingue, avec ses institutions fédérales et internationales, est tenue d'embaucher des salariés bilingues. Ainsi, si peu de travailleurs sont pour la division du pays, la séparation s'installe de fait dans les esprits.

Certes, le «documentaire-fiction» de la RTBF, qui n'a pas été diffusé sur les chaînes flamandes, a déclenché un tir de barrage de la plupart des dirigeants politiques francophones. Mais il ne sort pourtant pas des clichés répandus par ceux-ci, notamment socialistes... à la tête du parti le plus important en Wallonie, et donc aussi à la tête de la RTBF.

La Flandre est présentée comme la seule responsable de la scission du pays, sans faire la part entre politiciens et population. C'est oublier que, dans les années 1960-1970, c'est le PS wallon et aussi le syndicat FGTB qui ont revendiqué un gouvernement wallon indépendant, pour sauver la sidérurgie wallonne... et les «patrons wallons», face au développement de la sidérurgie de bord de mer en Flandre.

L'autre fiction mettait en scène le renchérissement du coût des médicaments, des soins de santé, des allocations chômage, etc. Ce serait paraît-il la conséquence de la scission de la Sécurité sociale qui suivrait la sécession de la Flandre.

En cela, ce «documentaire-fiction» restait dans le «politiquement correct», en n'évoquant pas d'autre solution que de nouveaux sacrifices demandés à la population wallonne, particulièrement aux chômeurs et aux malades.

Il aurait pu mettre en scène de riches actionnaires d'entreprises, ou de banques, refusant de payer plus d'impôts pour équilibrer les comptes de la Sécu, et fuyant... en Suisse? Ou, pourquoi pas les Mulliez (Auchan), membres d'une des plus riches familles de France, exilés en Belgique pour fuir le fisc français.

La fiction se voulait peut-être éducative. Mais elle l'aurait été bien plus si elle était sortie de l'absurde raisonnement des politiciens belges, qui ne savent qu'opposer Wallons et Flamands ou Bruxellois, et faire des comptes d'apothicaire sur ce que telle ou telle région paierait pour les autres. Le vrai problème, c'est ce que les travailleurs, flamands comme wallons, paient pour entretenir un grand patronat de parasites qui, lui-même, entretient des politiciens pour tenir le langage de la division.

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