Affaire Seznec : La justice n’a jamais tort...20/12/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/12/une2003.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Affaire Seznec : La justice n’a jamais tort...

La chambre criminelle de la Cour de cassation a décidé de ne pas réhabiliter Guillaume Seznec condamné pour meurtre en 1924. Gracié après vingt ans au bagne il était mort en 1954 sans que la justice revienne sur sa condamnation.

En avril 2005, après le rejet de treize demandes de révision présentées par sa famille, la justice avait accepté de rouvrir le dossier et en octobre 2006 les juges de la cour de révision avaient affirmé leur «conviction de l'innocence de Seznec». Finalement la justice qui avait mis 80ans pour reconnaître qu'elle avait peut-être eu tort vient de refermer définitivement le dossier en déclarant que Seznec, coupable à ses yeux en 1924, l'était encore en 2006.

Pourtant dès le procès de 1924, des voix s'étaient élevées contre la manière dont l'enquête avait été menée «à charge» par le commissaire Bonny. Fautes de preuves, celui-ci ne s'était pas gêné pour en «fabriquer» et dans une affaire sans cadavre -le corps de la victime supposée n'ayant jamais été retrouvé- et sans mobile -Szenec allait acheter une terre à celle-ci- il avait su trouver très vite un coupable.

Les méthodes expéditives de Bonny -«brouiller les pistes c'est facile... maquiller les preuves c'est enfantin» expliquait-il- étaient d'ailleurs tellement gênantes qu'en 1935, il fut révoqué de la police pour avoir été mêlé à différentes affaires, notamment celle qui conduisit au vrai-faux suicide de Staviski, qui fit scandale, et surtout l'assassinat d'un conseiller à la Cour, Prince. Mais ses méthodes plurent à la Gestapo avec qui il collabora à Paris pendant la Seconde Guerre mondiale ce qui lui valut d'être condamné et exécuté en 1944. Mais pour les juges de la Cour de cassation, ce qu'est devenu Bonny ne soulève même pas le moindre doute.

L'affaire Seznec était devenue, grâce à l'acharnement de la famille, le symbole de l'erreur judiciaire et en 1989 une loi appelée d'ailleurs «loi Seznec» avait assoupli les conditions de révision d'une condamnation, un fait nouveau «de nature à faire naître le doute sur sa culpabilité» suffisant désormais à obtenir la réhabilitation, sans avoir à prouver l'innocence du condamné. Mais en France, faire reconnaître à la justice une faute relève de l'exploit.

Ainsi depuis le début du XXe siècle, six révisions seulement ont été accordées, dont celles de Dreyfus, de Jean-Marie Devaux et de Patrick Dils. De plus une loi proposée par de Gaulle en décembre 1958, dès son retour au pouvoir et bien opportune dans les circonstances politiques de l'époque, punit de six mois d'emprisonnement et de 7 500 euros «le fait de chercher à jeter le discrédit... sur un acte ou une décision juridictionnelle, dans des conditions de nature à porter atteinte à l'autorité de la justice ou à son indépendance».

Alors, même si cette loi n'est pas censée s'appliquer «aux actes... tendant à la révision d'une décision», c'est bien dans l'esprit de celle-ci que les juges ont tranché. Contre l'autorité de la justice et sa prétendue indépendance, la recherche de la vérité n'a pas pesé lourd.

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