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Leur société
Les immigrés résidant en France doivent pouvoir voter et être élus
Alors que les derniers sondages indiquent qu'une majorité de Français sont partisans d'accorder le droit de vote, au moins pour les élections locales, aux étrangers résidant en France, ce que confirment les «votations citoyennes» effectuées récemment dans différentes villes, la plupart d'entre eux sont toujours exclus de ce droit.
Environ 3,6 millions d'étrangers habitent en France, soit 6,4% de la population, dont 1,3 million de ressortissants de l'Union européenne. Les accords signés par les pays de l'UE ont permis à ces derniers, en 1994, de voter et de se présenter aux élections européennes, accords élargis quatre ans après aux élections municipales. Mais il reste 2,3 millions d'étrangers extra-communautaires, soit, si l'on exclut les jeunes de moins de 18 ans, plus de 1,5 million d'entre eux à qui est refusé le droit de voter en France à des élections politiques, même si beaucoup y habitent depuis des dizaines d'années, y élèvent leurs enfants et y paient leurs impôts. Pourtant, dans de nombreux cas, c'est le nombre d'habitants (et non de Français) d'une collectivité qui est pris en compte pour calculer le montant des subventions, ou même... le nombre d'élus dans les communes!
Certains hommes politiques dans les rangs de la droite, tels Sarkozy, Borloo, de Robien, pour ne citer que des ministres de ce gouvernement, se déclarent en paroles favorables au droit de vote pour les immigrés. Mais aucun d'entre eux n'a déposé de proposition de loi allant dans ce sens, disant juger par avance qu'elle serait rejetée. Le Parti Socialiste avait agi de même lorsqu'il était au gouvernement, alors qu'il disposait d'une majorité favorable à ce droit. Accorder le droit de vote aux étrangers faisait partie des 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981 (c'était la 80e). Une fois élu, le président Mitterrand l'a mise aux oubliettes, regrettant hypocritement que «l'état des moeurs ne le permette pas»! Il eut le même discours lors de sa réélection, sept ans plus tard. Et en mai 2000, alors que l'Assemblée nationale avait voté une proposition de loi relative à ce point, Jospin l'a retirée avant qu'elle ne passe devant le Sénat, sous prétexte qu'elle y serait rejetée. La droite comme la gauche se montrent aussi pleutres l'une que l'autre devant une «opinion publique» qu'ils imaginent plus réactionnaire qu'elle ne l'est.
Bien sûr, les hommes politiques de droite soutiennent que, si les étrangers veulent voter aux élections françaises, ils n'ont qu'à se faire naturaliser. Comme si c'était facile! Au même moment, ils instituent tant de barrières à cette naturalisation que l'obtenir devient un véritable parcours du combattant.
Avec le refus de donner le droit de vote pour toutes les élections politiques aux immigrés n'appartenant pas à l'Union européenne, c'est en fait toute une partie de la classe ouvrière qui est exclue de ce droit, car la presque-totalité des immigrés vivant en France sont des travailleurs. Ils vivent en France, ils y participent à la création de richesses, ce serait la moindre des choses qu'on leur reconnaisse voix au chapitre dans toutes les décisions.
Bien sûr, de ce point de vue, le droit que donne le suffrage universel en la matière reste très théorique. Le système politique tel qu'il est, l'écrasante domination de la grande bourgeoisie qui a à sa dévotion l'appareil d'État, ne permettent pratiquement pas aux travailleurs, même ceux qui ont le droit de vote, de faire aboutir leurs revendications économiques et politiques. Mais cela ne justifie pas de priver de cette possibilité d'expression une partie des travailleurs, sous prétexte qu'ils sont des étrangers.
Les immigrés qui résident en France doivent pouvoir voter et être élus à toutes les élections politiques.