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Dans le monde
Corée du Nord : Les États-Unis agitent l'épouvantail.
L'annonce d'un premier essai d'une bombe nucléaire en Corée du Nord a déclenché un tollé des grandes puissances, criant haro contre ce petit pays qui ose forcer la porte du club ultrafermé des pays possesseurs de la bombe atomique.
Ce "club atomique" comprend aujourd'hui cinq États États-Unis, Russie, France, Royaume-Uni et Chine - qui se sont autorisés eux-mêmes à posséder l'arme atomique en signant un traité de non-prolifération. S'y ajoutent l'Inde et le Pakistan, qui n'ont pas signé ce traité, et Israël, qui refuse d'admettre qu'il possède la bombe. Pour ces trois États, on n'a pas entendu les mêmes protestations. Il est vrai que tous sont dans le "bon camp", celui des États-Unis.
Les États-Unis ont donc dénoncé une "provocation" de la Corée du Nord et appelé le conseil de sécurité de l'ONU à "agir immédiatement". Le Japon, la Corée du Sud et la Chine ont condamné cet essai. Douste-Blazy, le ministre français des Affaires étrangères, planté sur ses ergots, a exigé une "réponse ferme" de la communauté internationale. Les États-Unis ont cependant souligné qu'aucune opération militaire, aucun blocus naval ou arraisonnement de bateau nord-coréen, ni aucun déploiement de troupe n'était envisagé.
La Corée du Nord sert depuis longtemps d'épouvantail dans cette région, ne serait-ce que pour justifier auprès de l'opinion américaine les quelque 50 milliards de dollars que les États-Unis dépensent chaque année pour maintenir 100000 soldats américains stationnés au Japon et en Corée du Sud. Mais évidemment les États-Unis ne craignent pas ce petit pays.
Le régime nord-coréen est certes une dictature avec des traits parfois délirants. Mais il faut être bien hypocrite pour dénoncer à son propos "l'isolement et le secret", alors que depuis plus d'un demi-siècle il est soumis à un embargo complet des puissances occidentales. Et cela dans un pays qui n'a pas les ressources de la Chine et dépend entièrement de l'extérieur pour son approvisionnement en produits manufacturés et matières premières.
À partir de 1945 et de la partition de la Corée à l'issue de la Deuxième Guerre mondiale, le Nord trouva des ressources du côté de l'URSS et de la Chine, de la même façon que sa voisine du Sud bénéficiait de l'aide américaine, au point que, dans les années soixante-dix, les deux économies étaient à peu près au même niveau. Mais depuis 1989, avec l'éclatement de l'URSS et le retour de la Chine dans le marché mondial, la situation de la Corée du Nord est devenue catastrophique. Et c'est, dans une large mesure, le fruit de la surenchère à laquelle s'est livrée l'administration Bush qui a placé la Corée du Nord dans l'"axe du mal" avec l'Irak et l'Iran.
Fin 2002, les dirigeants américains accusaient la Corée du Nord de mener un programme de recherches secret visant à produire de l'uranium enrichi et, à terme, des ogives nucléaires. Ces accusations ont entraîné un gel de l'approvisionnement en fuel lourd, qui avait été autorisé par les États-Unis en 1994. Pyongyang n'a eu alors d'autre choix énergétique que d'annoncer la levée des dispositifs de surveillance de l'Agence internationale de l'énergie atomique sur sa centrale nuclaire de Yongbyon. En sommeil depuis l'accord sur le fuel, celle-ci a été remise en activité afin de produire de l'électricité à usage civil.
Avec cet essai nucléaire, les États-Unis n'ont donc pas fini d'agiter la menace nord-coréenne pour justifier leur propre maintien en Asie et continuer à faire payer à la population nord-coréenne des mesures de représailles, anciennes ou nouvelles... du fait de l'impasse dans laquelle ils ont eux-mêmes contribué à placer ce pays!