Limiter l’arbitraire des grandes entreprises.04/10/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/10/une1992.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Editorial

Limiter l’arbitraire des grandes entreprises.

Le PDG du groupe PSA Peugeot-Citroën vient d'annoncer la suppression de 10000 emplois pour l'ensemble de son trust. Cela n'a pas vraiment été une surprise pour les travailleurs du groupe, car la direction avait commencé l'opération bien avant cette annonce spectaculaire, en mettant fin à de nombreux contrats d'intérim et en décidant la fermeture complète d'une usine à Ryton, en Angleterre.

Que les suppressions d'emplois concernent surtout les intérimaires et les CDD, comme l'affirme la direction, ou également des CDI, c'est la vie de plusieurs milliers de familles ouvrières qui sera bouleversée, sans parler de la catastrophe que représente pour la région de Ryton la fermeture de l'usine Peugeot et, pour la région concernée de Slovaquie, l'abandon du projet de construction d'une usine et de l'espoir de créations d'emplois.

Et combien de suppressions d'emplois cette décision entraînera-t-elle chez les équipementiers et autres sous-traitants, soumis déjà à une véritable saignée?

Une fois de plus, une grande entreprise a pris, dans le secret de son conseil d'administration, une décision aux conséquences graves pour des milliers de personnes. La raison invoquée est que la marge bénéficiaire de l'entreprise n'est pas aussi élevée que la direction l'espérait. L'argument est d'autant plus révoltant que le trust continue à engranger des profits et que ses actionnaires ne sont pas menacés d'être sur la paille, alors que ceux qu'on met à la porte auront perdu leur gagne-pain.

La direction invoque aussi la nécessité de regagner des parts de marché perdues et, pour le faire, de baisser les prix. Mais il y a bien d'autres moyens de baisser les prix que de jouer avec la peau des travailleurs de l'entreprise. Pourquoi est-ce dans la masse salariale qu'on fait des coupes, et pas dans les dividendes distribués aux actionnaires?

Personne, en dehors des gros actionnaires du groupe, ne sait et personne ne peut savoir en fonction de quoi la décision a été prise et quels autres choix moins dramatiques pour les travailleurs auraient été possibles.

Le trust PSA, après bien d'autres, illustre le problème fondamental du fonctionnement de l'économie. Les conseils d'administration de quelques centaines de grandes entreprises ont plus de poids sur la vie de la société que les dirigeants politiques, y compris le président de la République, pour lesquels on ne vote qu'une fois tous les cinq ans.

C'est en fait une véritable dictature économique qui domine la politique et où une toute petite minorité de possesseurs de capitaux a le droit de tout faire au nom de la recherche du profit: fermer des entreprises, délocaliser, licencier, sans se soucier des conséquences pour la vie sociale, sans même avoir de comptes à rendre à quiconque. Les licenciements, la précarité, le chômage et les bas salaires, tout en découle.

Soumettre les grandes entreprises et les banques au contrôle de toute la population est une nécessité sociale. Il faut que la population ait les moyens de contrôler les grandes entreprises, leur fonctionnement, leurs projets. Il faut qu'elle puisse contrôler les circuits de l'argent, vérifier les choix qui sont faits et en fonction de quoi et au profit de qui. On pourrait alors se rendre compte que les fermetures d'usines, que les licenciements, sont des choix, et qu'un autre choix pourrait être de maintenir les emplois, quitte à répartir le travail. Cela permettrait aussi de constater qu'il est possible d'augmenter les salaires, pour que chacun puisse vivre correctement.

Cela diminuerait les dividendes et freinerait l'enrichissement de ceux qui sont déjà riches. Mais c'est le seul moyen d'empêcher que les travailleurs, qui créent ces richesses et qui subissent l'exploitation, soient les victimes obligées de toute décision motivée par la seule recherche effrénée du profit.

Arlette LAGUILLER

Éditorial des bulletins d'entreprise du 2 octobre.

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