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- Lutte ouvrière n°1992
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Leur société
Après la manifestation des victimes de l’amiante : Faire payer leurs crimes aux patrons empoisonneurs.
Samedi 30 septembre à Paris, la manifestation organisée par l'Association nationale des victimes de l'amiante, l'Andeva, a été un succès. Plusieurs milliers de manifestants, pour la plupart des ouvriers et leurs famille venus de toutes les régions. Ils ont affirmé une nouvelle fois leur volonté de voir juger pénalement les responsables de ces crimes qui ont fait en un an près de 3000 morts. Dans les décennies à venir, le chiffre des décès pourrait atteindre les 100000. Cette année des délégations plus conséquentes étaient venues avec la CFDT et la CGT; Lutte Ouvrière était également présente.
En tête de la manifestation se trouvaient les veuves de Dunkerque, portant la photo de leur mari mort d'un cancer dû à l'amiante et défilant sous la banderole «Nos empoisonneurs doivent être jugés sans délai». La manifestation partait de la Tour Montparnasse, encore fortement amiantée, comme bien d'autres constructions.
Les manifestants dénonçaient aussi le fait que dans bien des entreprises les ouvriers ne se voient même pas reconnaître le droit à la préretraite amiante. Comme le disaient les manifestants: «L'amiante abrège nos vies. La préretraite, c'est un droit, pas un privilège».
Il y a un an la manifestation nationale avait comme destination le ministère de la Justice pour protester contre les décisions qui absolvaient les patrons. Cette année la manifestation s'est terminée place Fontenoy, à proximité des bureaux du ministère du Travail et de la Santé où furent discutés pendant des années le sort des victimes de l'amiante.
À l'issue de la manifestation, le président de l'Andeva, François Desriaux, a rappelé les responsabilités des industriels de l'amiante qui, connaissant pertinemment les dangers, ont fait obstacle à toute réelle mesure pour assurer la protection des travailleurs, afin de continuer à vendre leurs produits et à s'enrichir. Cela s'était fait via une structure de lobbying, le Comité permanent amiante, au sein duquel siégeaient aussi des représentants de l'État et des confédérations syndicales.
François Desriaux a aussi rappelé que ce serait la moindre des choses que ces responsables, tout comme les industriels qui ont utilisé l'amiante jusqu'à son interdiction en 1997, et certains au-delà, soient enfin jugés. Dans les faits, il aura fallu la pression des associations de victimes, pour que trente-cinq informations judiciaires soient ouvertes par le pôle de santé publique du parquet de Paris. Une vingtaine d'autres devraient l'être dans les semaines et les mois qui viennent. D'autres instructions judiciaires qui stagnaient depuis des années pourraient être également débloquées.
Les responsables de l'Andeva ont tenu à dénoncer aussi le fait que certains tribunaux, comme le tribunal des affaires de la Sécurité sociale de Lille, ont ces derniers mois divisé par dix les indemnités accordées aux victimes. L'inquiétude est d'autant plus grande que dans les sphères patronales et gouvernementales on déclare en ce moment: «Les victimes de l'amiante coûtent cher, trop cher.»
Cette manifestation marquait le dixième anniversaire de la création de l'Andeva en 1996, à l'initiative de la Fédération nationale des accidentés du travail et handicapés, du Comité Jussieu et du réseau Alerte. Il aura fallu cette structure indépendante pour que la mobilisation se développe, avec les victimes et des militants syndicaux qui, à la base, se sentaient impliqués par ce combat. Dix ans après, le combat est loin d'être terminé. Si les choses ont un peu bougé, c'est grâce à ces milliers d'ouvriers, à leurs familles, mobilisés dans tout le pays.