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Leur société
Quand Sarkozy pense aux travailleurs
Le mal? «Il se voit sur les trottoirs de nos villes où s'installent ceux qui n'ont plus de domicile. Il se voit dans les Restaurants du Coeur et les banques alimentaires où se précipitent ceux qui n'ont plus les moyens de se nourrir. Il se voit dans les commissions de surendettement, aux guichets du RMI, dans les centres médico-sociaux. Il se voit dans le désarroi d'une partie de la jeunesse.»
Ce n'est ni l'abbé Pierre ni un responsable du Secours Populaire qui parle de cette façon, mais Sarkozy qui, à Agen, vient d'essayer le discours qu'il entend adresser à ceux des électeurs de gauche susceptibles de voter pour lui. Les prochaines présidentielles risquant de se jouer à très peu de chose, le voilà donc en train de ratisser large, histoire de grappiller dans le camp d'en face, ne serait-ce que quelques dizaines de milliers de voix qui pourraient faire la différence.
Ainsi, même s'il ne nous en avait pas donné l'impression jusqu'à ce jour, Sarkozy pense très fort «à tous ceux qui depuis vingt-cinq ans subissent l'austérité salariale, à tous ceux... dont le travail s'est alourdi sans compensation salariale.» «Depuis vingt-cinq ans la vérité est qu'on demande à cette France qui travaille toujours plus de sacrifices.» «Il faut briser la spirale suicidaire du revenu de la propriété qui explose et de la rémunération du travail qui s'effondre.» «La fracture sociale, a-t-il poursuivi, s'est transformée en désintégration sociale.» Cette société, qui n'était donc que fracturée en 1995, selon le slogan d'alors de Chirac, est désormais bel et bien brisée en mille morceaux pour Sarkozy.
Après un tel discours, on aurait pu s'attendre à l'énoncé de mesures capables de répondre à l'urgence des situations décrites. Eh bien non, Sarkozy, qui sait être lucide, n'a pas quitté son bord et les mesures qu'il propose sont dans le droit fil de la défense des intérêts patronaux. «Libérer le travail», c'est-à-dire augmenter les heures supplémentaires, étendre le travail du dimanche pour les salariés du privé, le travail supplémentaire et le salaire dit au «mérite» pour les fonctionnaires, l'obligation d'une tâche d'«utilité sociale» pour les chômeurs. Bref, «travailler plus pour gagner plus».
Quant au reste, les dégrèvements fiscaux pour ceux qui prétendent créer des emplois ou qui développent leur production à l'exportation, la transmission du patrimoine sans aucun droit de succession, voilà une petite musique pas nouvelle mais qui peut encore bercer agréablement les oreilles du patronat. Et quel est le patron qui ne pourrait pas être d'accord avec ce contrat de travail prôné par Sarkozy, «à durée indéterminée, plus souple» pour des embauchés qui verraient leurs droits «consolidés au cours du temps»?
Au fait, durant ces vingt-cinqans de profond recul qu'il évoque, et ces dix dernières années où la société de ce pays est passée, selon ses dires, de la «fracture sociale» à la «désintégration sociale», combien d'années l'innocent Sarkozy a-t-il été au gouvernement?