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Italie : La «devolution» de Bossi rejetée
Le référendum organisé en Italie les 25 et 26 juin s'est soldé par 61,7% de «non» à la réforme de la constitution préparée par le précédent gouvernement. Ce projet comprenait la «devolution», terme anglais utilisé pour désigner l'attribution aux régions d'une compétence législative exclusive sur de nombreux points comme la santé, la prévoyance et l'éducation, et aussi en matière fiscale.
Cette réforme, adoptée sous le gouvernement Berlusconi, était surtout une concession faite à la Ligue du Nord d'Umberto Bossi. Ce parti régionaliste a connu son essor dans les années quatre-vingt-dix sur la base d'une démagogie xénophobe, voire raciste. Bossi a basé ses succès électoraux sur l'idée que le nord de l'Italie, plutôt riche, n'a pas à payer pour le sud pauvre, colportant des préjugés de bas étage sur les Méridionaux et sur les étrangers en oubliant que la prospérité du Nord est en grande partie due, précisément, aux Méridionaux et aux immigrés qui viennent y travailler.
Berlusconi, chef du gouvernement de 2001 à ce printemps 2006, n'a pu avoir une majorité que grâce à la Ligue du Nord. Pour prix de sa participation gouvernementale, celle-ci réclamait à cors et à cris cette «devolution», destinée à contenter l'électorat auquel elle avait promis que le nord de l'Italie vivrait mieux s'il abandonnait le sud à son sort. Le gouvernement Berlusconi, et y compris son extrême droite plutôt nationaliste et implantée dans les régions du sud, ont donc donné cette satisfaction à Bossi, en incluant comme monnaie d'échange dans le projet le renforcement des pouvoirs du Premier ministre. La coalition de droite avait ainsi l'espoir de vaincre aux élections du printemps. Peine perdue, puisque c'est l'Unione, la coalition de centre-gauche, qui les a gagnées, bien que de justesse.
Avec ce projet, les régions auraient eu tout pouvoir d'organiser à leur niveau le système de santé et le système éducatif, sans même qu'existent des normes communes au niveau national. Les dépenses de santé, mais aussi les dépenses scolaires et même les programmes scolaires devenaient de la compétence des régions, ouvrant aussi la voie à des traitements salariaux différents d'une région à l'autre pour les personnels de la santé et de l'éducation. Les régions riches auraient eu les moyens de maintenir une certaine qualité du système de santé, sans aucune obligation de solidarité à l'égard des régions plus pauvres.
Le projet ayant été adopté avec une majorité de moins des deux tiers de l'Assemblée, il était soumis à référendum. Le gouvernement de centre-gauche de Prodi, installé entre temps, avait appelé à voter «non» à cette réforme adoptée contre l'avis des partis de gauche. Cependant, avant même Berlusconi, c'est le gouvernement de centre-gauche de D'Alema qui avait en 2001 introduit une réforme constitutionnelle décentralisatrice allant exactement dans le même sens. D'autre part, après la victoire du «non», Prodi a immédiatement déclaré qu'il allait ouvrir le dialogue avec toutes les forces politiques pour trouver un accord sur les modifications constitutionnelles à apporter.
Beaucoup d'électeurs ont voté «non» conscients que, derrière ce projet, il y avait la tentative - que l'on retrouve dans d'autres pays - de fragmenter la législation mais aussi les lois sociales, les droits sociaux et à l'éducation, les salaires et finalement la conscience de la population et des travailleurs de la solidarité nécessaire et de la nécessité d'avoir des droits communs, au moins à l'échelle du pays. Mais cette volonté de fragmentation, exprimée à leur façon par les démagogues de la Ligue du Nord, est aussi celle des classes dominantes qui voudraient avoir, à tous les niveaux, des moyens de pression sur les autorités et pouvoir jouer sur toutes les différences régionales pour en tirer avantage. Et il est évident que le gouvernement de centre-gauche de Prodi va continuer lui aussi, à sa façon, à poursuivre cet objectif.
L'unité italienne n'a jamais réussi à mettre fin aux disparités existant entre le Nord industriel et développé et le Sud gardant bien des caractères de sous-développement. La crise économique de ces dernières années n'a fait qu'accroître de nouveau cet écart, accumulant chômage et pauvreté surtout au sud de la péninsule, de Naples à la Sicile et à la Sardaigne. La grande et la petite-bourgeoisie, avides de profits rapides et faciles, profitent de ces disparités et les exploitent. Mais elles veulent de moins en moins payer pour limiter les conséquences sociales de leur système, ne serait-ce que par le biais de l'éducation ou du système de santé.
Les travailleurs italiens peuvent donc dire tant mieux si la réforme voulue par Bossi a été mise à la poubelle. Mais c'est seulement de leurs luttes que peut dépendre la défense et l'extension de leurs droits à la santé, à l'éducation, à une vie décente, en surmontant les divisions et en rejetant la guerre entre pauvres dans laquelle voudraient les faire tomber des démagogues nauséabonds.