- Accueil
- Lutte ouvrière n°1978
- Contre la dictature des intérêts privés, il faudra imposer le contrôle de la société sur les grandes entreprises
Editorial
Contre la dictature des intérêts privés, il faudra imposer le contrôle de la société sur les grandes entreprises
Après plusieurs mois d'empoignades boursières, le conseil d'administration du trust Arcelor, numéro deux de la sidérurgie, vient d'accepter l'OPA, c'est-à-dire l'offre d'achat de Mittal Steel, numéro un mondial. Les affrontements avec leurs rebondissements ont mobilisé des milliards d'euros.
Cette affaire illustre, dans le domaine de la sidérurgie, ce qui se passe dans bien d'autres secteurs. Grâce aux profits gigantesques qu'ils réalisent sur le dos de leurs travailleurs, les grands groupes industriels ont de l'argent liquide à ne savoir qu'en faire. Comme il ne leur apparaît pas profitable d'investir dans la production en créant de nouvelles usines et des emplois supplémentaires, ils dépensent leur argent en se rachetant les uns les autres.
La fusion d'Arcelor et de Mittal Steel ne se traduira pas par des possibilités productives supérieures. Elle entraînera en revanche des restructurations avec des suppressions d'emplois et des licenciements.
Les actionnaires d'Arcelor peuvent se réjouir. Les surenchères ont fait que le prix des actions a presque doublé en quelque six mois. Les grands actionnaires ont augmenté leur fortune de centaines de millions d'euros.
Une fois de plus, c'est un conseil d'administration de quelques dizaines de personnes qui a décidé une fusion qui va affecter directement le sort des 320000 salariés que comptent les deux groupes, sans parler des travailleurs dépendant des sous-traitants. Et si les restructurations entraînent des fermetures d'usines, les conséquences néfastes se feront aussi sentir pour d'autres catégories sociales. Les travailleurs de la sidérurgie ont toutes les raisons de se souvenir des restructurations du passé, qui ont conduit à l'émergence d'Arcelor au prix de licenciements et de fermetures d'usines qui ont transformé certaines régions de Lorraine en déserts industriels.
Tous les commentateurs soulignent que ce sont des considérations purement financières qui ont emporté la décision du conseil d'administration. Il en est ainsi dans cette société où l'économie est soumise à la dictature des grands groupes industriels et financiers: leurs conseils d'administration peuvent prendre n'importe quelle décision qui favorise les intérêts financiers de leurs principaux actionnaires, dussent les travailleurs de l'entreprise et toute la société en payer le prix.
On nous dit que le trust qui émergera de cette fusion, et qui sera de loin le premier dans son secteur, pourra ainsi mieux faire face à la compétition mondiale. Mais où est donc l'avantage pour la société? Si le nouveau groupe se retrouve en position plus forte en tant que monopole, il sera encore plus en situation d'augmenter ses prix et de faire payer ses superprofits à l'ensemble des consommateurs. Par exemple, les consommateurs n'ont aucune raison de se réjouir de la position de monopole des trusts pétroliers!
L'absence de contrôle sur la gestion économique des patrons privés, voilà la cause des gaspillages et des soubresauts anarchiques de l'économie. Voilà la cause des licenciements et du chômage. Voilà pourquoi il n'y a pas d'autre moyen pour combattre réellement le chômage que de soumettre les entreprises, leur fonctionnement, leurs décisions au contrôle des travailleurs, des consommateurs et de toute la population.
Les comptabilités, les opérations financières, tous les projets des dirigeants des entreprises devraient être rendus publics, pour être connus à l'avance et consultables par tout le monde.
Une économie dirigée en fonction des intérêts privés dans le secret des conseils d'administration conduit la société à la catastrophe. Il n'y a qu'une crise sociale exceptionnelle et la force de l'action collective de la classe ouvrière à un niveau élevé qui pourront briser cette dictature et faire reculer les intérêts privés au profit de l'intérêt de toute la société. Il faudra alors que les travailleurs mettent ce contrôle au centre de leurs exigences!
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 26 juin