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Dans les entreprises
Michelin : Une dynastie patronale
La mort d'Édouard Michelin, le PDG de l'entreprise du même nom, dans un naufrage vendredi 26 mai, a suscité des déclarations élogieuses sur sa réussite et celle de son entreprise, comme celle de Jacques Chirac saluant le «champion industriel français unanimement reconnu». Laurence Parisot, la dirigeante du Medef, par ailleurs membre du conseil de surveillance du groupe Michelin, n'a pas manqué elle aussi de louer le «très, très grand chef d'entreprise».
Édouard Michelin était un des patrons les mieux payés, avec 2,4 millions d'euros en 2004. Le numéro un mondial du pneumatique, avec un effectif de 130000 salariés répartis dans 140pays, a pu afficher l'an dernier un résultat net de 889millions d'euros et un chiffre d'affaires de 15,6milliards d'euros.
Belle réussite en effet! Mais tous ces laudateurs, patrons et politiciens, oublient bien évidemment de dire que celle-ci est le résultat de l'exploitation de dizaines de milliers d'ouvriers en France et dans le monde depuis plus d'un siècle.
La première société Michelin et Cie, créée en 1889 à Clermont-Ferrand par les frères Édouard et André, fabriquait des pneus en caoutchouc pour les bicyclettes puis, quelques années plus tard, des pneus pour les premières automobiles.
C'est sur l'exploitation des peuples colonisés dans les plantations d'hévéas, les «arbres à caoutchouc», que le groupe bâtit en particulier sa fortune. Quand, au début du 20e siècle, Michelin s'installa en Indochine, alors colonisée par la France, il obtint, comme les autres compagnies françaises, des concessions de plusieurs années sur des terres volées purement et simplement aux peuples qui vivaient là. Par l'intermédiaire de plusieurs sociétés liées à la Banque d'Indochine et à la Banque des Pays-Bas, Michelin contrôla bien vite 68% des plantations d'hévéas de la colonie. Sur un de ses sites indochinois, en trente ans dans la première moitié du 20esiècle, 12000 travailleurs trouvèrent la mort suite à la malnutrition ou aux maladies, preuve de la férocité de l'exploitation.
Dans les entreprises implantées en France, et en particulier dans celle de Clermont-Ferrand, les Michelin maintinrent longtemps un système paternaliste d'exploitation des travailleurs: création d'écoles-maison, nécessité d'obtenir une recommandation d'un curé ou d'une bonne soeur pour rentrer à l'usine, chasse aux militants ouvriers. Les prédécesseurs d'Édouard furent des patrons particulièrement réactionnaires: ainsi dans les années 1930, tout comme les Lesieur, Ripolin, Lafarge ou Renault, ils soutinrent la Cagoule, une organisation secrète d'extrême droite, créée après l'interdiction des ligues fascistes par le gouvernement du Front populaire en juin 1936 et censée les protéger du «péril rouge».
Depuis, l'entreprise n'a cessé de grandir et surtout les profits n'ont cessé d'augmenter. Les salariés ont payé l'enrichissement des Michelin et des autres actionnaires par une aggravation de leurs conditions de travail et des licenciements, en particulier durant ces vingt dernières années, dans les usines d'Europe, en France, en Angleterre ou en Italie. Dans celle de Clermont-Ferrand, durant ces mêmes vingt ans, l'effectif a diminué de moitié pendant que la production était multipliée par huit.
Édouard Michelin, comme ses prédécesseurs, laissera surtout aux travailleurs le souvenir de l'exploitation.