Contrôler les prix des grandes surfaces? Le racket de la grande distribution31/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/06/une1974.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Contrôler les prix des grandes surfaces? Le racket de la grande distribution

Dernière en date des initiatives de communication des patrons de la grande distribution, Michel-Edouard Leclerc, dirigeant de la firme du même nom, vient, à grand renfort de publicité, d'annoncer la création d'un site internet «quiestmoinscher.com» afin, a-t-il déclaré, de permettre aux consommateurs de savoir quelle est l'enseigne de grande distribution la moins chère. Tout cela à l'aide d'une liste comprenant 3500 références, 1500 marques nationales. La comparaison vise ses concurrents directs, Auchan, Carrefour et Intermarché.

Cette initiative ne fait que répondre à des initiatives du même genre de ses concurrents, comme Carrefour qui promet en ce moment d'aligner ses prix si le consommateur trouve moins cher ailleurs. Mais cette publicité intéressée des grands de la distribution sur leurs prétendus efforts «pour baisser les prix» est indécente. Car les consommateurs, eux, avec raison, n'ont pas du tout ce sentiment-là, tout particulièrement s'ils regardent en ce moment les prix extravagants des produits frais, comme par hasard absents «pour des raisons techniques» du tableau de comparaison. Et en ce moment les prix des cerises qui explosent, en particulier dans les grandes surfaces, transforment ce fruit «de saison» en véritable produit de luxe pour les consommateurs, qui ont vraiment l'impression qu'on les rançonne.

De fait la grande distribution, à l'aide de ses centrales d'achat, a un quasi-monopole sur la commercialisation des produits alimentaires frais, ceux produits par les paysans. Les producteurs d'un côté et les consommateurs de l'autre sont victimes de cette main-mise.

L'été dernier, les pratiques des centrales d'achat des grands groupes de la distribution avaient été en partie rendues publiques par l'affaire de la vente des poires. En pleine récolte de ce fruit en juillet 2005, les centrales d'achat de la grande distribution achetaient aux producteurs entre 15 et 40 centimes d'euros le kilo, en le revendant 2,10 euros le kilo à leurs clients dans les grandes enseignes. Cela n'avait rien à voir avec les conditions climatiques ou une quelconque surproduction, mais résultait d'un plan mis au point des mois à l'avance. Ces centrales d'achat avaient acheté des mois auparavant des quantités considérables de poires à travers le monde entier et les avaient fait stocker en chambre froide sous azote dans toute l'Europe pour les empêcher de venir à maturation. Et à l'ouverture des récoltes, elles avaient brutalement et artificiellement inondé les marchés avec ces poires venues du froid, dans le seul but de faire baisser les cours des achats au moment propice. Résultat: les grandes enseignes ont bien acheté les poires des paysans pour les revendre, mais à des prix bradés, en dessous du prix de production, tout en imposant, toutes enseignes confondues, des prix de vente très élevés aux consommateurs.

Et le fait d'avoir des marges énormes grâce à des prix multipliés par quatre ou cinq n'a pas été et n'est pas limité aux seules poires, mais se retrouve pour bien d'autres productions. Cette année par exemple, les prix des cerises au kilo commencent à 4 euros pour celles de plus mauvaise qualité, pour atteindre 10 euros dans certaines grandes surfaces, voire même 20 ou 40 euros dans certains commerces. Dans le même temps, la colère gronde chez les producteurs qui se plaignent d'être obligés de vendre ces mêmes cerises à des prix bradés, en dessous du prix de revient, aux centrales d'achat, pour 1,5 euro le kilo. Ce qui fait qu'en moyenne ces centrales d'achat multiplient les prix par quatre ou six, sans rien avoir à faire. Car si jamais ces mêmes cerises sont mises en barquette au lieu d'être servies en vrac, leurs prix se trouvent encore majorés de 50 à 100% selon les grandes surfaces.

Alors Leclerc, Auchan, Carrefour, Intermarché, Casino s'intéressent à leurs clients, c'est certain, mais c'est d'abord pour leur faire les poches.

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