Italie : L’élection de Giorgio Napolitano, un ex-communiste à la présidence18/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1972.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Italie : L’élection de Giorgio Napolitano, un ex-communiste à la présidence

Un mois après les élections législatives des 9 et 10 avril qui ont vu la victoire de justesse de la coalition de centre-gauche, l'Unione, c'est comme prévu Romano Prodi qui a été chargé de former le nouveau gouvernement. Auparavant, il avait fallu trouver un consensus pour élire un nouveau président de la République en la personne de Giorgio Napolitano, sénateur à vie du parti des Démocrates de Gauche (DS) qui, après avoir pris ses fonctions de président le 15 mai, a donné l'investiture à Prodi.

Le parti des DS n'est autre que la majorité de l'ancien Parti Communiste Italien, et c'est donc ainsi un ex-dirigeant du PC qui est désormais à la tête de l'État. Par ailleurs, c'est Fausto Bertinotti qui a été élu à la présidence de la Chambre des députés, c'est-à-dire le principal dirigeant du Parti de la Refondation Communiste (PRC), la fraction de l'ex-Parti Communiste qui a voulu garder cette étiquette. L'accession de ces deux communistes ou ex-communistes aux premiers postes honorifiques de l'État est une façon de reconnaître leurs mérites. Mais ce mérite qui leur est reconnu, c'est d'avoir fait tout leur possible, chacun à sa façon, pour tenter d'enterrer les idées communistes dans la classe ouvrière italienne.

Dans la période dite de la déstalinisation, le Parti Communiste italien était connu pour être un des plus fervents partisans de l'évolution rapide des PC en des partis sociaux-démocrates tout à fait classiques, jouant un rôle de partis de gouvernement. Une tendance dite «migliorista» («meilleuriste») s'exprima même au sein du PC pour prôner l'accélération de cette évolution et la fusion du PC avec le Parti Socialiste. Son dirigeant était Giorgio Amendola et celui qui apparaissait alors comme son jeune émule était Giorgio Napolitano.

L'évolution allait être longue, mais constante. Pendant des années, le Parti Communiste fit antichambre, se limitant à prêter son soutien à des gouvernements dirigés par d'autres, comme lors du «compromis historique» de 1976 par lequel son dirigeant d'alors Berlinguer prôna le soutien au gouvernement de droite démocrate-chrétien. Puis au début des années 1990, après avoir déclaré les idées du communisme et de la révolution russe décidément dépassées, les dirigeants du PC saisirent l'occasion fournie par la chute du mur de Berlin et l'évolution des pays de l'Est européen pour proposer, tout simplement, d'abandonner l'étiquette communiste dont s'affublait encore leur parti.

Tant qu'à faire, les dirigeants du PC préférèrent même un nom n'évoquant pas même le socialisme, et c'est ainsi que leur parti se transforma en «Parti Démocratique de la Gauche» (PDS-Partito Democratico della Sinistra) avant de devenir DS tout court car le mot «parti» rappelait encore trop leur passé. Et ce sont les DS qui soutinrent toutes les politiques antiouvrières, en particulier celle du premier gouvernement Prodi, de 1996 à 1998. Ils apportèrent aussi leur soutien à la transformation des institutions de l'Italie dans un sens majoritaire, de façon à assurer à la bourgeoisie des gouvernements stables pour mener sa politique.

Les DS pensaient en profiter, mais ils offraient aussi un boulevard à d'aussi tristes personnages que le magnat de l'audiovisuel Berlusconi, mais aussi le fasciste Gianfranco Fini ou le démagogue xénophobe de la Ligue du Nord Umberto Bossi, qui allaient constituer une coalition majoritaire et gouverner l'Italie pendant cinq ans.

De leur côté, en 1991, une partie des militants communistes refusèrent d'abandonner cette étiquette et créèrent le Parti de la Refondation Communiste, «Rifondazione comunista». Cependant ses dirigeants n'allaient proposer finalement rien d'autre que la répétition, en plus petit, de la politique de l'ancien PC, et tout en ayant des accès de langage plus à gauche, ils soutinrent eux aussi par exemple le gouvernement Prodi de 1996 à 1998. Et pour ces élections de 2006, le dirigeant de Rifondazione Bertinotti n'a rien proposé d'autre que de rejoindre «l'Unione», la coalition composée par les DS et quelques partis du centre et placée sous la direction de Prodi. Sous prétexte de donner la priorité à «chasser Berlusconi», Rifondazione a ainsi abandonné toute perspective de défense des intérêts ouvriers face au gouvernement qui se met en place.

Bertinotti, en s'installant à la présidence de l'assemblée, a dit qu'il dédiait sa victoire «aux ouvrières et aux ouvriers». Quant à Napolitano, en s'installant à la présidence de la République, il a promis à l'opposition dirigée par Berlusconi qu'il serait un président de consensus. Visiblement, de la part du gouvernement Prodi, les travailleurs italiens devront donc se contenter de l'hommage purement verbal de Bertinotti. Car à supposer même que celui-ci veuille défendre leurs intérêts, de toute façon Rifondazione n'aura guère d'influence dans le gouvernement Prodi, qui lui a donné la présidence de l'Assemblée pour pouvoir ne lui céder aucun ministère important.

Prodi s'installe au gouvernement, avec le soutien du grand patronat italien, pour mener la politique que celui-ci attend. Il dispose pour cela de la collaboration des principales organisations de gauche comme les DS et Rifondazione, mais aussi des syndicats comme la CGIL. Cela mérite bien de céder un poste honorifique à Bertinotti et la présidence de la République à Napolitano, un des dirigeants du PC qui ont le plus oeuvré à sa transformation.

Ainsi, la bourgeoisie italienne peut penser, en célébrant l'arrivée de Napolitano et Bertinotti à leurs présidences respectives, célébrer en même temps l'enterrement du communisme. Mais cet enterrement est célébré si souvent par les dirigeants de la planète que c'est au fond l'aveu qu'il est toujours vivant.

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