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- Lutte ouvrière n°1971
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Editorial
Le pétrole, c’est comme toute l’économie : Du profit en hausse pour les trusts, des sacrifices en plus pour la population
Le trust pétrolier Total qui, l'année dernière déjà, avait réalisé des bénéfices sans précédent vient d'annoncer que cette année sera encore meilleure. Pendant les trois premiers mois de l'année, ses profits ont été en hausse de 15% par rapport à la même période de l'année précédente. Il en va de même pour les autres compagnies. Shell, par exemple, a vu son bénéfice trimestriel augmenter de 12% alors pourtant que sa production est en recul! Et les dirigeants de ces compagnies d'expliquer que leurs bénéfices sont tirés en avant par la hausse du prix du pétrole.
Les automobilistes apprécieront. Notamment les travailleurs qui, même pour se rendre au travail, sont obligés d'utiliser leur voiture, faute de transports collectifs. Combien d'entre eux sont amenés à acheter leur essence ou leur gazole par petites quantités car faire le plein est une trop grosse dépense d'un seul coup?
Mais la hausse du prix concerne aussi le fioul domestique. Le prix du gaz qui est aligné sur celui du pétrole a augmenté de près de 25% en moins d'un an. Les conséquences en sont dramatiques pour la majorité des salariés, pour les chômeurs, pour les plus pauvres dont beaucoup ne pourront plus chauffer correctement leur logement.
On nous dit qu'au départ, il y a la hausse mondiale du prix du pétrole brut. Même en oubliant la responsabilité, majeure, des trusts pétroliers dans la hausse du pétrole brut, pourquoi est-ce sur les consommateurs qu'on répercute l'intégralité de cette hausse, et au-delà (alors que les baisses ne sont pour ainsi dire jamais répercutées à la pompe)?
La même hausse du pétrole, qui se traduit par des sacrifices supplémentaires pour les classes populaires, des pêcheurs aux agriculteurs, des salariés aux artisans, se traduit par des bénéfices supplémentaires pour Total et ses semblables. On incite la majorité de la population à se restreindre pour diminuer la consommation mais on ne demande pas le moindre sacrifice aux trusts les plus riches. Ceux-là sont intouchables!
La moindre des choses serait d'imposer davantage les bénéfices fantastiques des trusts pétroliers, réalisés sur le dos de toute la population. L'impôt sur les bénéfices des sociétés, qui était de 50% sous De Gaulle, Pompidou et Giscard, est aujourd'hui de 33%. Et, pourtant, aucun gouvernement, pas plus ceux dirigés par des socialistes que ceux dirigés par la droite, n'a envisagé de revenir ne serait-ce qu'au niveau d'imposition antérieur.
Ce qui se passe pour le pétrole est ce qui se passe dans toute l'économie. Une économie poussive, certes, mais où tous les sacrifices sont imposés aux travailleurs, aux classes populaires. En revanche, non seulement on ne demande rien aux grands groupes, mais tous les gouvernements les comblent de subventions, d'abattements fiscaux ou de réductions de cotisations de Sécurité sociale. Tous les gouvernements prétendent justifier ces cadeaux en affirmant qu'il faut que les entreprises fassent des bénéfices pour qu'elles créent des emplois. Depuis un quart de siècle, on nous sort ce mensonge alors que les entreprises ne créent pas d'emplois en nombre suffisant et se contentent d'ajouter les cadeaux de l'État à leurs profits pour les distribuer à leurs actionnaires. Et ce sont encore les classes populaires qui paient la facture car plus on donne d'argent aux entreprises, moins il y en a pour les hôpitaux, les écoles ou les logements sociaux.
La cause du chômage et de la précarité, c'est qu'on ne s'en prend pas à ceux qui profitent, mais à leurs victimes. Pour assurer l'explosion des profits et les revenus du capital, on diminue ceux du travail.
Jusqu'au jour où ce sera la colère qui explosera, assez puissante pour imposer au grand patronat avide et à ses laquais politiques un autre partage des sacrifices; qui obligera les entreprises à utiliser leurs bénéfices pour maintenir les emplois existants et pour en créer de nouveaux, en répartissant le travail entre tous et en supprimant la précarité. Qui les obligera, aussi, à augmenter les salaires.
Arlette LAGUILLER
Éditorial des bulletins d'entreprise du 9 mai