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Faïencerie de Vitry-le-François (Marne) : L'agresseur d'une militante syndicale devant le tribunal
Mercredi 12 avril, un cadre et actionnaire de l'entreprise Sarreguemines Bâtiment, à Vitry-le-François, comparaissait devant le tribunal correctionnel de Châlons-en-Champagne pour entrave à l'exercice des fonctions d'un délégué syndical et violence sur personne vulnérable, suivie d'incapacité supérieure à 8jours.
Les faits remontaient à cinq ans, au 2 mars 2001. La déléguée syndicale de Force Ouvrière, également connue comme militante de Lutte Ouvrière, avait été agressée par ce cadre alors qu'elle faisait une tournée syndicale sur bons de délégation. Elle rendait compte du résultat des élections professionnelles. Alors qu'elle discutait avec un ouvrier, ce cadre avait tenté de l'en empêcher et l'avait bousculée. Renversée sur un chariot, notre camarade avait dû arrêter le travail pendant 108 jours consécutifs, le dos bloqué, ne pouvant rester debout.
Circonstance aggravante, ce cadre, alors directeur de la production, connaissait sa fragilité puisque, suite au port de très lourdes pièces pendant plusieurs mois, elle revenait tout juste d'un arrêt de travail et travaillait sur "poste doux" depuis une opération d'un poumon. Il s'en prenait donc à une militante qu'aucune pression n'avait jamais fait fléchir, mais physiquement fragilisée.
Le cadre en question est un petit notable, régulièrement cité et encensé dans la presse locale depuis qu'à la suite du dépôt de bilan de l'usine il est devenu un des repreneurs de l'entreprise.
Dès le lendemain de l'agression, un comité de soutien à notre camarade avait été créé, réunissant les syndicats des usines de la ville. Sur l'usine même, la CGT et FO avaient organisé un débrayage. Cent cinquante personnes y participèrent, ce qui ne s'était pas vu depuis de nombreuses années. Un meeting de soutien était aussi organisé. France3 réalisa un reportage sur les lieux de l'agression. Le cadre, lui, niait les faits avec aplomb. Mais l'ouvrier principal témoin expliqua à un journaliste: "J'ai décidé de dire la vérité, ça suffit d'avoir peur."
Une plainte était déposée à la gendarmerie qui, dans un premier temps, la classa sans suite. Il fallut alors un dépôt de plainte avec constitution de partie civile pour qu'une information soit ouverte. Après d'autres péripéties judiciaires, ce ne fut qu'en mars 2004 que la chambre d'instruction de Reims retint les poursuites pour violences et le délit d'entrave. L'ensemble des témoins étaient alors entendus par le juge. À l'issue de ces auditions, le cadre était mis en examen avec circonstances aggravantes.
Enfin, le 12avril dernier, l'affaire passait au tribunal correctionnel. Le procureur de la République reprenait l'ensemble des chefs d'accusation et réclamait la condamnation du cadre. Les juges ont même été plus loin encore que cette réquisition, puisqu'ils ont prononcé une condamnation à trois mois de prison avec sursis. Ils ont aussi demandé 2000 euros de dommages et intérêts pour notre camarade, 500 euros pour le syndicat Force Ouvrière qui s'était également constitué partie civile, et 500euros de frais d'avocat.
Il a donc fallu cinq ans de procédure judiciaire, pendant lesquelles l'affaire faillit plusieurs fois être enterrée. Mais au final, c'est une victoire totale. Dans l'usine, elle a été ressentie non seulement comme celle de notre camarade, mais comme celle des ouvriers. C'est une revanche pour toutes les humiliations, les pressions, les injures que bon nombre avaient subies en serrant les dents, de la part de l'individu condamné.
Depuis un an, l'agresseur n'a pas remis les pieds à l'usine. Officiellement il est en arrêt maladie. Après ce jugement, les travailleurs de l'usine peuvent penser qu'ils ne le reverront plus.