Allemagne : La guerre contre les chômeurs se poursuit04/05/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/05/une1970.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Allemagne : La guerre contre les chômeurs se poursuit

Le chômage a, officiellement, légèrement diminué en avril en Allemagne et tout ce que le pays compte de chantres du capitalisme a monté ce résultat en épingle. Mais il se situe encore, en "données corrigées des variations saisonnières", à 11,3% de la population active, soit un des plus hauts niveaux de l'Union européenne, juste derrière la Pologne, la Slovaquie et les Pays Baltes. Et surtout ce pourcentage est loin de refléter la misère dans laquelle vivent bien des chômeurs.

Leur situation s'est en effet considérablement dégradée depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 2005, de la réforme du marché du travail, baptisée plan Hartz IV (concocté par le gouvernement social-démocrate d'alors), puisque les délais d'indemnisation pleine et entière ont été raccourcis. La plupart de ceux qui sont au chômage depuis plus d'un an ne touchent que 350 euros par mois, pour une personne seule sans enfant. Ils doivent, sous peine d'être privés de ressources, accepter n'importe quelle proposition d'emploi, y compris les "petits boulots à 1 euro de l'heure", qui ont été créés par la réforme Hartz IV, généralement pour des travaux dits d'utilité publique, mais qui remplacent dans bien des cas de véritables emplois. Dans ce cas, les chômeurs touchent, en plus des 350 euros, une "indemnité" de 1 euro de l'heure versée par les collectivités locales ou les associations qui y ont recours.

Au total, près de 7 millions d'Allemands sont bénéficiaires de l'ALG II, qui correspond à la fois à l'allocation de fin de droits et au RMI français. Mais comme cela lui coûterait encore trop cher, le gouvernement (dans lequel les sociaux-démocrates sont désormais associés à la droite) a mis en oeuvre, en avril 2006, une nouvelle disposition qui coupe l'aide au logement des chômeurs de longue durée de moins de vingt-cinq ans, sous prétexte qu'à cet âge ils peuvent encore être hébergés sous le toit familial.

Mais les attaques contre les chômeurs ne sont pas que d'ordre financier. Les "bénéficiaires" d'un job à 1 euro ne disposent par exemple pas de contrat de travail et ne sont pas protégés par une convention collective. Cela a ouvert la porte à un certain nombre de profiteurs qui prospèrent sur le dos des chômeurs. Les médias, en France, ont déjà parlé de www.jobdumping.de, un site internet créé en août 2004 et sur lequel les propositions de travail faites par les employeurs sont mises aux enchères: les chômeurs qui souhaitent obtenir cet emploi font à tour de rôle des offres de salaire de plus en plus basses. Celui qui décroche le travail est donc celui qui a fait la proposition la plus basse!

Autre exemple: à Hambourg, le comité de chômeurs du syndicat Ver.di a dénoncé, lors d'une action organisée le 26 avril, la façon dont sont traités les chômeurs locaux, sous la forme d'un véritable marché d'esclaves moderne, dénommé "Job-Karawane" (caravane pour l'emploi) qui a été mis sur pied depuis des semaines par l'ARGE. L'ARGE, la communauté de travail mise en place depuis le début 2005 par la municipalité et l'Agence locale pour l'emploi pour organiser la "réforme du marché du travail", demande aux bénéficiaires de l'ALG II de participer à une de ces "Job-Karawane". Il s'agit d'une exhibition publique, qui a lieu dans un centre commercial ou une rue piétonne, au cours de laquelle les chômeurs doivent se présenter sur une scène, avec l'aide de comédiens professionnels censés leur apprendre, et accepter les offres de boîtes d'intérim. L'échange des données personnelles des participants a également lieu lors du show, qui se tient devant les badauds.

Ces "spectacles" humiliants sont inefficaces car les emplois proposés ne garantissent pas, dans l'immense majorité des cas, un revenu décent. Dans l'Amérique d'après la crise de 1929, on organisait des marathons de danse qui attiraient, dans l'espoir de remporter de maigres primes, jeunes et vieux accablés par le chômage et la misère. Dans l'Allemagne "moderne", on ne traite pas les chômeurs de façon plus digne.

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