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Dans le monde
L’Iran et la bombe : Les grandes puissances veulent conserver leur monopole
Mardi 11 avril, le régime iranien a annoncé qu'il avait réussi à enrichir de l'uranium. Son président, Mahmoud Ahmadinedjad, a indiqué avec son sens habituel de la provocation que son pays allait «rejoindre prochainement le club des pays qui disposent de la technologie nucléaire».
Cette déclaration a aussitôt déclenché un tintamarre de protestations des grandes puissances, qui font campagne depuis des mois pour empêcher l'Iran d'accéder au nucléaire, civil comme militaire. En tête évidemment les États-Unis, mais aussi la Russie, la Chine, et bien sûr l'Union européenne.
Pour la Maison-Blanche, l'enrichissement d'uranium par l'Iran serait un «affront au Conseil de sécurité», puisqu'en mars dernier celui-ci avait exigé que l'Iran abandonne ce projet. Pour le secrétaire d'État américain chargé de la «non-prolifération nucléaire» (cela existe!), l'Iran serait désormais en mesure de se doter de l'arme nucléaire d'ici à quinze mois.
La secrétaire d'État Condoleezza Rice a agité la menace de «mesures fortes» du Conseil de sécurité de l'ONU contre l'Iran, sans toutefois demander que celui-ci se réunisse plus tôt que prévu. Des sanctions sont envisagées: restreindre les déplacements de personnalités iraniennes, gel d'actifs iraniens, voire embargo sur les importations de tapis ou de pistaches (sic)!
Mais évidemment la campagne menée depuis des mois par les États-Unis contre l'Iran, qui rappelle celles contre l'Afghanistan puis l'Irak, n'apaise pas les craintes de l'opinion mondiale de voir se déclencher une nouvelle guerre, cette fois contre l'Iran.
Les dirigeants iraniens semblent faire le pari que les États-Unis, englués en Irak, n'oseront pas intervenir contre eux. Ils pensent aussi que la spéculation sur le prix du pétrole leur donne également des atouts. Mais des paris de ce genre, d'autres dirigeants d'États que les puissances impérialistes considèrent comme devant leur être subordonnés, les ont déjà perdus, à commencer par la précédente équipe dirigeante irakienne.
Il reste que, par-delà la démagogie nationaliste dont les dirigeants iraniens sont coutumiers depuis la mise en place du régime des mollahs en 1979, leurs déclarations sur leur droit «inaliénable» d'avoir accès au cycle du combustible nucléaire ont une certaine légitimité. Au nom de quoi l'accès au nucléaire devrait être le privilège des États les plus développés?
Car, dans cette affaire, il y a bel et bien deux poids et deux mesures. Cinq États, ceux qui ont fait exploser la bombe atomique avant 1967 (États-Unis, Russie, France, Grande-Bretagne et Chine), se sont en effet arrogé le droit exorbitant de faire la police parmi quelque 188États et de décider qui peut avoir accès ou pas, non seulement à l'arme atomique, mais à la technologie nucléaire.
Les signataires du traité de non-prolifération sont tenus de se plier à d'éventuelles inspections, comme cela a été le cas pour l'Iran et l'Irak, mais là encore, il y a deux poids, deux mesures puisque plusieurs alliés des États-Unis, Israël, le Pakistan ou l'Inde, et même un adversaire comme la Corée du Nord en ont été jusqu'alors dispensés. Sans parler du fait que la question des contrôles évolue au gré des renversements d'alliances. L'Irak et l'Iran ont été dans le passé des alliés des grandes puissances, États-Unis et France compris, et donc des clients des entreprises des uns et des autres, qui leur ont alors fourni des moyens de se doter d'armes qu'elles cherchent maintenant à leur interdire.
Et les dirigeants américains ne sont pas à une contradiction près. D'un côté, ils dénoncent la menace iranienne d'armes de destruction massive et des missiles pour les transporter, alors que l'Iran ne possède ni les unes ni les autres -les dirigeants US le disent eux-mêmes!- et d'un autre, selon le Guardian britannique du 2 avril, le Pentagone serait, lui, sur le point de faire exploser dans le désert du Nevada la plus grosse bombe conventionnelle de l'histoire militaire! Mais cela n'empêche pas les dirigeants américains, ceux-là mêmes qui ont envahi l'Afghanistan et l'Irak, et les seuls qui aient utilisé la bombe atomique pour anéantir deux villes, Hiroshima et Nagasaki, de déclarer que c'est l'Iran qui «pose une grave menace de sécurité au monde».
Bien sûr, les dirigeants iraniens ne sont pas plus recommandables que les dirigeants des grandes puissances impérialistes. Mais, en matière de sécurité pour le monde, il n'y a pas de comparaison possible entre l'armement dont dispose le «club atomique» des Cinq et celui que ne possèdent guère ou pas encore tous les autres.
Mais la seule «sécurité» qui importe aux dirigeants des États les plus puissants de la planète, c'est que leur domination sur l'ensemble des peuples du monde demeure inchangée.