Depuis le 31 mars se déroule à Créteil le procès du meurtrier de Sohane Benziane, la jeune fille morte brûlée vive à la cité Balzac de Vitry, dans le Val-de-Marne, le 4 octobre 2002. Le jugement doit être rendu vendredi 7 avril.

Accusé "d'actes de torture et de barbarie ayant entraîné la mort sans intention de la donner", Jamal Derrar se défend en affirmant qu'il s'agissait d'un "accident", qu'il voulait juste "faire peur" à Sohane. Comme s'il était normal et anodin de "faire peur" à une fille, sous prétexte qu'elle ne veut pas se plier aux volontés des petits caïds de son genre qui cherchent à s'imposer par la brutalité! Comme s'il était anodin de la menacer d'une mort atroce (et malheureusement, ce fut plus qu'une menace) en l'enfermant dans un local à poubelles, en l'arrosant d'essence et en manipulant un briquet devant elle!

Cette barbarie n'est pas un accident, c'est un crime, et un crime sexiste. Parce que Sohane était une fille, son assassin et les brutes qui l'ont soutenu lui ont refusé la liberté de choisir la vie qu'elle voulait. Ils ont décidé de la punir et se sont octroyé le droit de vie ou de mort sur elle, parce que son attitude ne correspondait pas aux préjugés réactionnaires qu'ils ont sur les rapports hommes-femmes, qui veulent que l'homme commande et que la femme se soumette.

Sohane n'est pas la seule victime de cette sauvagerie exercée contre des femmes. La jeune Charazad, de Neuilly-sur-Marne, a elle aussi été aspergée d'essence et brûlée sur une bonne partie du corps par un homme, sous le seul prétexte qu'elle refusait de l'épouser. Elle a survécu à ses brûlures et a décidé de rejoindre le combat que mène l'association Ni putes ni soumises pour que les femmes aient les mêmes droits et bénéficient du même respect que les hommes.

La brute qui a tué Sohane et son complice seront sans doute condamnés, et ce ne sera que justice. Mais cela ne changera guère la situation qui est faite aux femmes, en particulier dans ces cités où de petits caïds veulent faire régner leur loi. Certes, seule une minorité d'hommes en arrivent à ces atrocités, sous l'influence de l'ignorance, de la bêtise que flattent les préjugés sexistes, auxquelles peuvent s'ajouter l'alcool ou la drogue. Mais il ne faut pas oublier qu'en France, un pays qui se présente comme étant "civilisé", 400 femmes meurent chaque année, soit plus d'une par jour, victimes de violences exercées par leur compagnon ou leur mari.

Si de tels actes de barbarie peuvent avoir lieu, c'est bien parce que, dans cette société, la femme n'est pas considérée comme étant l'égale de l'homme, que ce soit au travail, à la maison ou dans les mentalités. Imposer le droit au respect, à choisir librement leur vie est encore un combat que les femmes doivent mener quotidiennement.