Le procès de Bobigny de 1972 : Une étape du combat pour les droits des femmes05/04/20062006Journal/medias/journalnumero/images/2006/04/une1966.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Le procès de Bobigny de 1972 : Une étape du combat pour les droits des femmes

Le téléfilm Le procès de Bobigny, diffusé le 3avril sur France2, a rappelé ce que fut cet épisode du combat des femmes pour le droit à l'avortement.

C'était en 1972. Marie-Claire, 16ans, enceinte à la suite d'un viol, comparaissait devant le tribunal de Bobigny pour avoir avorté. Quant à sa mère, elle était jugée pour "complicité", car l'avortement était alors un délit. Les femmes n'avaient pas le droit d'interrompre une grossesse non désirée. Les peines encourues étaient lourdes: six mois à deux ans de prison pour celle qui avait avorté, et un à cinq ans pour celle ou celui qui lui en avait procuré les moyens.

Lors de leurs procès, la mère et la fille eurent le courage de braver cette loi injuste, criminelle et hypocrite. Tout le monde savait alors que, chaque année, des centaines de milliers de femmes avortaient. Celles qui avaient les moyens, ou les relations sociales qui vont souvent avec, le faisaient avec l'aide de médecins ou à l'étranger. Les autres, celles qui, comme Marie-Claire et sa mère, étaient de milieu modeste, recouraient à tout ce qui pouvait servir pour déclencher l'avortement. Des dizaines de femmes mouraient chaque année, des suites d'un avortement clandestin dans de mauvaises conditions sanitaires.

Marie-Claire eut donc le courage d'affirmer que ce n'était pas sa mère qui lui avait demandé d'avorter, mais qu'elle avait décidé, elle-même, de ne pas mettre au monde un enfant non désiré. Quant à sa mère, elle eut le cran d'affronter un tribunal d'hommes nantis et pleins d'assurance pour leur asséner que ce choix relevait du seul droit des femmes, et pas des tribunaux. Elles étaient soutenues autour du tribunal par des manifestantes brandissant des pancartes: "Notre ventre nous appartient", "Un enfant, si je veux, quand je veux".

Gisèle Halimi, avocate et militante pour les droits et les libertés des femmes, assura la défense des deux accusées. Elle fit le procès de cette législation barbare. Jacques Monod, prix Nobel de médecine, vint dire à la barre que cette loi était dépassée par la médecine; le professeur Milliez, médecin gynécologue, catholique et pratiquant, en affirmant qu'il aurait avorté Marie-Claire si celle-ci le lui avait demandé, mit en évidence l'hypocrisie de cette loi.

Marie-Claire fut relaxée. Sa mère fut condamnée à 500F d'amende avec sursis, et la femme qui avait pratiqué l'avortement à un an de prison avec sursis. Les tribunaux eux-mêmes étaient contraints de reconnaître l'absurdité de la loi. Mais c'est le combat mené par Marie-Claire et sa mère, et par des centaines de milliers d'autres femmes dans ces années-là, qui allait finir par imposer la liberté pour les femmes de mettre fin à une grossesse non désirée. Comme l'a rappelé Gisèle Halimi dans une interview, il faut savoir "désobéir à une loi répressive pour affirmer une liberté première".

Le droit à l'interruption volontaire de grossesse est aujourd'hui remis en cause, ne serait-ce que par le manque croissant de structures médicales où le pratiquer. Ce n'est pas un combat du passé, il reste d'actualité.

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