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Leur société
Grève de la faim d'un député : Les députés proposent, les patrons disposent
Jean Lassale, député UDF des Pyrénées-Atlantiques, fait la grève de la faim dans l'enceinte du Parlement depuis le 7mars. Il entend ainsi protester contre la "délocalisation" de l'usine Toyal de la vallée d'Aspe qui envisage d'aller s'installer à Pau, 65kilomètres plus loin, ce qui entraînerait 150suppressions d'emplois.
On ne sait si c'est la privation de nourriture ou la menace de la privation d'électeurs qui a illuminé sa conscience jusqu'à lui faire entrevoir la réalité. Toujours est-il que, après quelques jours de jeûne, ce député a déclaré à propos des fermetures d'usines: "Les ministres n'y peuvent plus rien... Les dix premières entreprises du CAC 40 sont bien plus puissantes que l'État. Il m'est devenu insupportable que des hommes seuls, aussi puissants soient-ils, puissent décider du sort de dizaines de familles, de leur vie ou de leur mort."
Accoyer, député UMP, a quant à lui déclaré que cette grève de la faim était un "aveu d'impuissance". C'est vrai, et pas seulement de cet obscur député, mais bien de tous les politiciens. Il est rare que, lorsqu'une usine ferme, le député de la circonscription applaudisse des deux mains, mais il est encore plus rare qu'il puisse y faire quoi que ce soit, si ce n'est des déclarations.
Car, en la matière, ce ne sont pas les députés qui décident, et pas même le gouvernement: ce sont les grands groupes capitalistes. Les grands patrons préfèrent sans doute que les députés et ministres approuvent leurs agissements mais, de toute façon, ils se passent de leur avis. Se moquant du sort des travailleurs, ils se moquent également de l'avenir politique du député du coin, qui risque d'être mis en demeure de faire quelque chose contre la fermeture de l'usine. Et même quand ce député, maire, conseiller général ou autre, les a arrosés de subventions pendant des années et a voté toutes les lois favorables au patronat, cela n'y change rien. Le patronat considère que tous ces gens-là doivent être à son service, mais n'a pas pour eux la reconnaissance du ventre.
Cela vaut pour les députés de droite comme pour ceux de gauche, sur le plan local comme à l'échelle du pays. Ainsi, devant l'annonce par le groupe Michelin de bénéfices en hausse et d'une nouvelle vague de licenciements, Jospin, alors Premier ministre, avait avoué son impuissance en déclarant que l'État "ne peut pas administrer l'économie".
Cette fois-ci, c'est un député de droite qui en est réduit à la grève de la faim. Mais il n'y a guère de chances que cela impressionne en quoi que ce soit les grands patrons qui dirigent le pays à leur seul bénéfice et qui considèrent que les politiciens doivent se contenter de leur rôle de marionnettes.