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Leur société
Marseille : Les "chibanis" réclament leur dû!
Radiés des fichiers fiscaux marseillais l'été dernier, ceux qui s'appellent les "chibanis", des retraités et préretraités d'origine maghrébine, se sont retrouvés mardi 9 mars devant le siège des impôts de Marseille 1er, à l'appel de l'association "Un centre- ville pour tous", pour demander que leurs droits soient respectés.
Pour les services des impôts de Marseille, ces vieux travailleurs n'existeraient plus, même si les routes qu'ils ont construites, le métal qu'ils ont coulé, les barrages qu'ils ont édifiés continuent à défier le temps. Quatre mille vieux travailleurs du 1er arrondissement n'ont en effet pas reçu en 2005 leur avis d'imposition ou de non-imposition de l'administration des impôts, qui les a carrément radiés de ses états.
Pour certains de ces retraités, cela signifie la perte de la gratuité dans les transports, la perte de l'Allocation spécifique de solidarité ou, plus grave encore, la perte de la CMU.
Vieux, usés par trente, quarante, voire cinquante ans des travaux les plus difficiles et les plus malsains, dans les mines, les travaux publics, le bâtiment, ils ont une santé fragile et la Sécurité sociale leur est vitale. C'est une des raisons qui font qu'ils restent en France plutôt que de retourner dans leur pays d'origine qu'ils ne connaissent plus, et auquel ils s'adaptent mal car leur vie, leurs amis, leurs relations sont surtout ici, à Marseille, dans ce quartier du centre-ville.
Ces travailleurs à la retraite ou en invalidité partagent scrupuleusement avec leur famille restée au Maghreb une pension des plus modestes, quand ce n'est pas le minimum vieillesse. La majorité d'entre eux perçoivent moins de 450euros par mois. Ils vivent dans des hôtels meublés du centre-ville dans des conditions souvent déplorables.
Dans certains de ces hôtels, les possibilités d'hébergement sont multipliées par quatre, dans des conditions plus qu'inconfortables. Certaines canalisations sont encore en plomb, l'eau chaude est l'exception, l'espace est réduit à la portion congrue. Quand, en août 2003, la mairie avait fait évacuer l'hôtel Achille dans la rue Thubaneau, les vieux locataires avaient été jetés à la rue. On s'est alors aperçu qu'ils n'avaient même pas l'eau potable au robinet à cause des déchets et des rats morts qui stagnaient dans les vieilles citernes de l'immeuble.
L'administration des impôts, pour les radier, ne s'est pas embarrassée de scrupules. Ses critères pour définir le domicile fiscal sont: l'activité professionnelle, le foyer, le centre des intérêts vitaux, ou la résidence avec au moins six mois de présence, soit 183 jours par an de présence sur le territoire français. Il est reproché à ces retraités de passer plus de temps au pays qu'en France. Pourtant, même ceux qui ont donné des preuves du contraire n'ont rien reçu de l'administration.
Pour comble, l'administration des impôts est allée jusqu'à leur demander treize reçus de loyers, le passeport pour vérifier les dates d'entrée et de sortie du pays, ce qui n'est demandé à aucun autre contribuable et est clairement discriminatoire.
Toutes ces tracasseries sont d'autant plus écoeurantes que ces vieux travailleurs ont usé leur santé sur les chantiers et les mines en France, qu'ils ont payé plus que leur contribution à une retraite et que la moindre des choses serait de les laisser vivre en paix leur retraite, où ils veulent et le temps qu'ils veulent!
Et -ce qui est encore plus honteux- le zèle de l'administration fiscale se fait sentir à Marseille précisément sur deux secteurs, celui du centre-ville et celui du Rouet (ce que l'association "le Rouet à coeur ouvert" a aussi dénoncé), deux périmètres très populaires que la municipalité a décidé de rénover et qui sont, petit à petit, vidés de leurs habitants les plus pauvres.